Ferhat Mehenni lance son gouvernement provisoire kabyle

A Première vue, l’information ressemble à une blague de potache. Dans toutes les rédactions, il y a eu d’instinct un hochement d’épaules incrédule, comme si personne ne pouvait croire à une telle information dont l’allure tient plus du poisson d’avril que du Breaking new haletant. Et pourtant quand une agence aussi sérieuse que l’agence France Presse met l’information sur ses trois fils les plus lus, à savoir le fil général, le fil France et le fil Moyen Orient, cela prend une autre physionomie.

Ferhat Mehenni lance son gouvernement provisoire kabyle
L’information en question est la proclamation par le chanteur et militant kabyle de renommée méditerranéenne Ferhat Mehenni d’un gouvernement provisoire kabyle. L’annonce fut faite avec une grandiloquence de circonstances : « Aujourd’hui, si nous en sommes à mettre sur pied notre gouvernement provisoire, c’est pour ne plus subir ce que nous endurons d’injustice, de mépris, de domination, de frustrations et de discriminations depuis 1962 ».

Que Ferhat Mehenni, emblème vivant la sensibilité berbère algérienne, au casier militant bien chargé, s’agite sur tous les terrains pour défendre la cause kabyle en Algérie est dans l’ordre normal des choses. L’homme aux convictions bien tranchées a d’énormes atouts pour ou séduire son interlocuteur ou provoquer chez lui une insondable répulsion.

Mais de là à proclamer un gouvernement provisoire kabyle à Paris, il pousse la tentation autonomiste et séparatiste à son paroxysme. 25 à 30 % de la population algérienne réclamerait ainsi de ne plus subir les dictats politiques et culturels émis depuis Alger. L’aboutissement théorique d’une grande révolution culturelle, la traduction politique d’une séduisante subversion.

Le mot « provisoire » renvoie immédiatement à un héritage bien vivant de l’Algérie actuelle, celui qui constitue la genèse de sa naissance et de sa séparation avec la France coloniale. « Le Provisoire » des années soixante, lancé au Caire le 19 septembre 1958, dut catalyser toutes les énergies, incarner toutes les espérances d’une peuple qui avait mis sa liberté au sommet de ses priorités vitales.

Le choix de Paris pour lancer une telle initiative n’est pas dénué de symboliques. En plus de la présence d’une grande communauté kabyle naturellement réticente au pouvoir central d’Alger et très sensible aux sirènes autonomistes de Ferhat Mehenni, la France avec laquelle l’Algérie d’aujourd’hui n’a toujours pas fumé le calumet de la paix et de la repentance, peut garantir une résonnance bien particulière.

Il est aisé d’imaginer la réaction des officielle algériens à l’égard de cette initiative. La presse tire à boulets rouges depuis longtemps sur Ferhat Mehenni. Et avec son « gouvernement provisoire » transformé en tribune pour pointer les insuffisances d’un pouvoir recroquevillé sur les privilèges d’une élite militaro-pétrolière qui le gouverne depuis l’indépendance, Ferhat Mehenni a de fortes chances de devenir l’ennemi public numéro un, plus demandé et plus recherché que le plus sanglant islamiste du désert du Sahel.

La classe politique française est restée muette sur cette initiative de Ferhat Mehenni même s’il a été reçu au quai d’Orsay et à l’Assemblée nationale par différents goupes et présidents de Commission. La relation avec ce pays est hautement abrasive. Le président Nicolas Sarkozy vient lui-même de le reconnaître au somment de Nice : « Il faudra encore du temps pour que la relation s’apaise entre la France et l’Algérie »

Mustapha Tossa

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