Maroc/Affaire Omar Radi: la tribune de trop pour Orient XXI

La tribune*, publiée le 14 août dernier sous le titre « Halte à l’acharnement contre Omar Radi et la répression de la parole publique au Maroc », constitue une illustration de tout ce qu’il faut faire pour qui voudrait causer du tort à la publication dirigée par Alain Gresh. Accessoirement : une grammaire capricieuse, de grossières fautes de langage et une débauche de mots qui cultive un air de « déjà-lu ». Principalement : de la tromperie et des subterfuges pour doper le nombre de signataires d’une part et laisser entendre que cette tribune est l’émanation de la communauté marocaine résidant en France, d’autre part. Or, elle ne représente pas plus d’un tiers des signataires de ce texte qui affiche la curiosité d’être signé par un nombre élevé d’ONG tunisiennes. Autant d’artifices, additionnés aux manquements professionnels, ne peuvent que contribuer à éteindre toute l’autorité qu’Orient XXI tente d’installer depuis son lancement en 2013.

Une tribune est censée refléter une opinion ou exprimer un point de vue. C’est une parution qui permet à une personne ou à un groupement qui n’appartient pas à l’équipe de rédaction d’exprimer publiquement ses idées ou une doctrine. Cela, c’est la théorie. Dans la pratique, une partie du comité de rédaction et le directeur d’Orient XXI sont signataires du texte : Alain Gresh, Khadija Mohsen-Finan, Sarra Grira ou encore Hicham Mansouri. C’est là une première entorse aux règles d’éthique journalistique.

Alain Gresh, directeur du site Orient XXI

Pourtant, l’ancien directeur du Monde Diplomatique avait habitué ses lecteurs à plus de professionnalisme, quelles que soient ses positions personnelles ou ses opinions. Lorsqu’il initie le lancement d’un journal en ligne gratuit en 2013, ce spécialiste du Proche-Orient, auteur de plusieurs livres consacrés notamment à la question palestinienne dont « De quoi la Palestine est-elle le nom ? », tient une idée stimulante et un angle éditorial  porteur d’optimisme dans la perception de cette région du monde : « nous sommes un groupe de journalistes, universitaires, militants associatifs, anciens diplomates qui avons l’Orient au cœur et qui voulons contribuer à une meilleure connaissance de cette région si proche et dont l’image pourtant est si déformée et si partielle », peut-on lire dans la fiche de présentation de Orient XXI, visible sur le site du journal en ligne.

Le profil du directeur adjoint, Christian Jouret, « qui a exercé des fonctions diplomatiques pour la France et l’Union Européenne », contribuait à asseoir la crédibilité d’ Orient XXI sur les bases d’une expertise reconnue. Certains profils du comité éditorial comme celui de Aboubakr Jamaï, analyste très critique à l’égard de Rabat mais respecté par de nombreux confrères marocains, constituaient une valeur ajoutée notable dans la pertinence des choix éditoriaux concernant le royaume chérifien.

Radicalisme éditorial qui fait oublier la recherche de la vérité

Aussi, tout observateur intéressé par l’évolution du Maroc ne peut qu’être interpellé par la posture radicale adoptée par Orient XXI dans le traitement des dossiers liés au Maroc. Il y a là un glissement vers l’extrême au point que la publication néglige, aussi bien sur le fond que sur la forme, les règles professionnelles, les exigences du pluralisme des idées et la recherche de la vérité. La tribune publiée le 14 août dernier constitue une illustration, suicidaire pour Orient XXI, de tout ce qu’il faut faire pour qui voudrait causer du tort aux différents contributeurs que compte la publication, au point d’éteindre toute l’autorité que le site en ligne tente d’installer depuis son lancement.

Le texte publié sous le titre « Halte à l’acharnement contre Omar Radi et la répression de la parole publique au Maroc », est, de ce point de vue, la tribune de trop. Pas seulement parce qu’elle s’inscrit à l’encontre de la ligne éditoriale affichée par Orient XXI qui dit vouloir « offrir une approche riche et diversifiée de cette zone en pleine transformation », mais également parce qu’elle use de subterfuges à même de tromper les lecteurs et peut-être même certains signataires.

Une tribune d’opinion est évidemment libre et toutes les idées peuvent y être exprimées, qu’elles soient techniques ou polémiques. Elle doit contenir des éléments nouveaux par rapport à une situation précédemment décrite ou une information déjà traitée, un raisonnement, être argumentée avec des preuves et étayée par des faits solides et vérifiables. Or, la tribune consacrée à la liberté d’expression au Maroc à travers l’affaire Omar Radi, s’oppose à tout cela.

Au-delà d’une grammaire capricieuse, de structures de phrases et d’éléments de styles incohérents, d’erreurs de tonalité et de temps et même de grossières fautes de langage, ce texte est rédigé et présenté d’une manière qui induit sciemment en erreur le lecteur.

Un air de « déjà-lu »

Quelle que soit la réalité de la situation des journalistes et des militants des droits de l’Homme au Maroc, elle se voit remise en question, voire dépréciée par la suroffre verbale employée par le rédacteur du texte : « ripostes policières répressives et violentes »,« acharnement », « répression », « machine répressive », «médias à la botte des autorités marocaines », « harcèlement » , « intimidation », « accusations fallacieuses », « une stratégie bien connue du régime », « montée de toutes pièces », « neutralisation des journalistes », « campagne virulente de diffamation », etc.

La liste d’expressions et de mots qui composent ce guide de « prêt-à-penser » est encore longue, reprise en boucle depuis au moins une année, aussi bien dans ce genre de tribune, pétition et autre lettre ouverte que dans des articles de médias marocains ou étrangers, associés à la médiatisation de l’affaire Omar Radi. Les différentes ONG, dont Amnesty International, HRW ou encore RSF, reprennent cette même rhétorique « déjà-lue », ces éléments de langage « copiés-collés », comme s’ils étaient dictés, voire rédigés par une seule et même source.

Une idée directrice pour la construction du profil d’un « Etat coupable »

Toute personne respectueuse des droits de l’Homme, de la liberté d’expression et de la liberté de la presse, ne peut qu’adhérer à la dénonciation d’atteintes portées à la démocratie, pour peu que la transparence et l’honnêteté caractérisent les révélations portées sur la place publique.

Est-ce bien le cas ? La ligne qui semble se dégager  depuis décembre 2019 sur la construction d’une « victime idéale » en la personne du journaliste Omar Radi, tient d’une ligne directrice destinée à faire du Maroc un « coupable absolu » .

En substance et sans chercher à verser dans la caricature : « le Maroc est un pays répressif où toute voix contestataire est punie avec férocité par des services de sécurité omnipotents ». C’est le message que cette tribune avait pour objectif de cultiver. Malheureusement pour ses rédacteurs, les imprécisions, les généralités et autres pléonasmes sont beaucoup trop nombreux et ce dès la première phrase, pour espérer raisonnablement atteindre cet objectif :

– « les mouvements de protestation au Maroc suscitent, et ce depuis toujours, des ripostes policières répressives et violentes ». Depuis l’époque des phéniciens, des vandales ? Depuis le début de l’ère islamique, les protectorats français ou espagnol ? Cela mériterait des éclaircissements tout comme l’association malheureuse du mot « ripostes » à « répressives ». Le premier signifie déjà à lui seul qu’il y a une vive réaction de défense, une contre-attaque vigoureuse.

– Plus loin : « la plus marquante de ces dernières années est la répression du Hirak dans le Rif ». Combien d’années ? Quand exactement ?

Erreurs et grossières fautes de langage

La langue française, quant à elle, est si malmenée que l’on peut légitimement se demander si les signataires de cette tribune qui comptent des universitaires exerçant dans des institutions académiques de renom, ont lu le texte :

– « un mouvement contestataire qui a agité le Maroc à partir de 2016 ». Bien que le sens n’en soit pas affecté, « depuis 2016 » s’impose assurément.
– « Un logiciel espion du NSO group ». De NSO Group, n’est-ce-pas ?
-« Le libre exercice de la profession de journalisme indépendant ». Journaliste, pensait certainement écrire le rédacteur.

Le texte est truffé de ce genre de carences. Nous nous sommes contentés de n’en relever que quelques-unes dans ce qui s’apparente à un « brouillon », car le plus conséquent reste à venir, notamment sur la liste des signataires de cette tribune.

Une liste surchargée d’ONG tunisiennes et dans laquelle les marocains sont minoritaires

-Sur 207 signataires, environ 1/3 seulement peut se revendiquer comme marocain ou d’origine marocaine pour une tribune présentée comme étant d’abord la voix portée par les « marocaines et marocains résidant en France ».

-Quant au nombre « d’activistes et des forces démocratiques en France et ailleurs », signataires de cette tribune, le « ailleurs » se résume en réalité à la Tunisie et à l’Algérie avec au moins 20 signatures dont 15 organisations pour la Tunisie et 12 noms dont celui d’une association pour l’Algérie.
-Sur 28 associations, syndicats, partis politiques et autres organisations signataires de cette tribune, 55% sont…tunisiennes. Seules 3 peuvent être qualifiées de marocaines.

Présence tragi-comique d’associations créées par le Polisario

Site de l’association Survie

Au moins 4 des ONG signataires de la tribune œuvrent aux côtés des séparatistes du Polisario, quand elles n’ont pas été directement créées par eux : « Association Française d’amitié et de Solidarité avec les Peuples d’Afrique »(AFASPA) ; «  Association des Familles des Prisonniers et Disparus Sahraouis »(AFAPREDESA) ; « Comité pour le Respect des Libertés et des Droits Humains au Sahara occidental » (Corelso), à travers Bachir Moutik, également représentant en France de l’AFRAPADESA, créée par le Polisario en 1989.

Enfin, l’association française « Survie » dont la particularité tient du fait que l’historien marocain Maati Monjib figure dans la liste des signataires de cette tribune au nom de cette association, dont le traitement de la question du Sahara est ouvertement favorable à la république auto-proclamée de Tindouf.

Des signataires intraçables

Au moins 12 « signatures » sont introuvables, dont 2 organisations : « Centre de soutien à la transition démocratique et les droits humains » et « Coalition pour l’abolition de la peine de mort ». Peut-être que le nom de ces personnes ou de ces organisations a été mal orthographié ou qu’il est incomplet. Le fait est qu’elles n’existent sur aucun site dédié aux ONG que nous avons consulté.

Une liste « dopée »

Plusieurs membres d’une même famille figurent dans la liste des signataires, certains avec des noms ou des orthographes différents, à l’exemple de Najia El Rhaoui, militante associative et membre de l’AMDH-Paris IDF et Rokia Levasseur dont le nom de jeune fille est El Rhaoui, d’après nos recherches. De nombreux exemples de signatures que l’on peut qualifier de familiales caractérisent cette liste, à l’image de celui de Asmaa, Halima et Touria Moustaghfir .

Autre incongruité, celle de présidents d’associations qui signent en leur nom, puis au nom de l’association qu’ils dirigent, comme l’Association de Défense des Droits de l’Homme au Maroc (ASDHOM) avec une première signature, puis une deuxième en tant que Ayad Ahram, président de l’ASDHOM.

Tous les manquements répertoriés ici ne sont pas de simples carences

Ce ne sont pas non plus des erreurs. Il s’agit clairement de procédés par lesquels la mauvaise foi est manifeste, tant dans l’intention de laisser croire que cette tribune serait d’abord l’expression de l’opinion de membres de la communauté marocaine établie en France que dans la façon dont cette liste de 207 signataires a été « gonflée ».
De même que la présence importante d’organisations tunisiennes intrigue. Qu’est-ce qui pourrait la justifier ?
Cette tribune ne sert malheureusement pas les intérêts du journaliste Omar Radi, « utilisé » pour nourrir une croisade. La dernière phrase de la tribune devrait l’interpeller :
« Nous alertons les instances internationales quant à cette situation et appelons toutes les forces vives démocratiques en France et partout dans le monde à exprimer leur soutien à la cause de la liberté d’expression qu’incarne en ce moment le journaliste Omar Radi ». « En ce moment » …Qu’en sera-t-il une fois que l’exploitation de son « affaire » aura atteint son pic ?
Une question que le journaliste doit vraisemblablement déjà se poser.
Quant aux organisations contrôlées par le Polisario et les autres qui lui sont favorables, le lecteur ne peut que constater les contradictions des signataires de ce texte, prompts à dénoncer la « machine répressive » au Maroc, tout en fermant les yeux sur le sang dans les mains de Brahim Ghali, le président de la république auto-proclamée de Tindouf.
Il est soupçonné d’avoir personnellement torturé des sahraouis opposés au séparatisme. Plusieurs plaintes sont déposées contre lui devant la plus haute juridiction d’Espagne depuis 2008, pour atteintes aux droits de l’Homme, génocide et crimes contre l’humanité.
Cela mériterait une tribune un peu plus sérieuse, n’est-ce pas ?

 

Lien de la Tribune:

 

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