« Il n’y aura pas de résurrection jusqu’à ce que les musulmans tuent les juifs », selon le fondateur d’Al Adl Wal Ihssane

La stratégie de conquête de l’attention d’Al Adl Wal Ihssane a été construite autour de la non-violence du mouvement. L’ouragan de mots destiné à bâtir une image médiatico-politique basée sur le pacifisme, a été nourri pendant plus de quatre décennies avec des méthodes de propagande suffisamment remarquables pour qu’elles réussissent à reléguer à un second plan les écrits bellicistes de son fondateur, Abdessalam Yassine. L’apologie qu’il fait du Jihad et son antisémitisme, sont deux des piliers de la doctrine que le prédicateur développe dans ses livres, en particulier « La Sunna d’Allah ». Il constitue un « guide-à-penser » d’une telle brutalité, que l’on ne peut que s’interroger sur les grandes manœuvres médiatiques et politiques destinées à mettre un vernis d’irréprochabilité sur la Jamaâ. L’ambition de cet article est d’aider nos lecteurs à prendre connaissance et décrypter les messages pernicieux et dangereux du mouvement islamiste radical qui aspire à une conquête du pouvoir.

« On nous diabolise et on essaye de nous faire passer pour de méchants islamistes et des obscurantistes. Ce sont des clichés ; les Américains nous soutiennent parce ce qu’ils ne veulent plus de dérives autoritaires ». Ces propos, extraits d’une interview parue dans « La Libre.be » le 6 mai 2006, sont signés de Nadia Yassine. Il n’est pas certain que celle qui fut surnommée « la pasionaria » du mouvement Al Adl Wal Ihssane (Justice et Bienfaisance) aurait prononcé ces propos aussi facilement si Martin Buxant, le journaliste qui l’a interviewée, avait pris connaissance du contenu des écrits de son père, le fondateur de la Jamaâ.

Nadia Yassine

Celle qui fût la porte-parole du mouvement avant que ses condisciples au sein de la Jamaâ ne décident de l’écarter après une obscure histoire d’adultère, était  un symbole de cette ère des grandes manipulations médiatiques de la Jamaâ. Les méthodes d’influence et de persuasion utilisées par Al Adl Wal Ihssane ont indéniablement contribué à attirer l’attention de médias et de responsables politiques étrangers autour de ce mouvement qui se présentait comme non-violent, au moment où plusieurs capitales étaient endeuillées par des vagues d’attentats perpétrés par des mouvements terroristes se revendiquant de l’Islam.

D’un côté, le besoin de comprendre et d’informer pour les journalistes, et de l’autre, l’idée selon laquelle il valait peut-être mieux composer avec ces mouvements, voire même les aider à accéder au pouvoir. Ce fut le cas des démocrates aux Etats-Unis, par exemple.

Non, ce n’est pas un mouvement non-violent

La littérature du maître à penser d’Al Adl Wal Ihssane est bien plus brutale et choquante que les phrases toutes faites et les slogans sur lesquels est basée la stratégie de désinformation des portes-paroles de la Jamaâ.
Non, ce n’est pas un mouvement non-violent. Non, le pacifisme et la recherche de la paix sont étrangers à sa doctrine politique.

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Comme des spasmes violents, les écrits de Abdessalam Yassine viennent balayer le discours des moins conciliants de ses soutiens qui voudraient qu’il eût des hallucinations, qu’il était peut-être un peu fou mais totalement inoffensif. Pour ses disciples les plus fidèles, il suffisait d’adhérer au monde « surnaturel » de cet « élu de Dieu » pour qu’il vous mène aux portes du paradis.

Non, Abdessalam Yassine n’était pas un illuminé et il était en pleine possession de ses moyens en rédigeant ses livres, en particulier la « Sunna d’Allah », publié en 2005. Nous ne retiendrons que celui-ci car il présente l’avantage de réunir dans un seul ouvrage toutes les réflexions intimes et profondes du prédicateur sur la manière de mener le Jihad, de « réhabiliter la personnalité « jihadie » pour prendre les rênes de la Oumma (communauté islamique) » (P.11). Il s’agit pour lui de « vaincre ses ennemis (de Dieu) et régner sur le monde (…) en mettant en marche un programme d’actions pour acquérir la puissance nécessaire » (P.12 et 14).

Moudjahidines, martyrs et Jihad

Pour cela, il faut des « moudjahidines » (un combattant qui prend les armes au nom de l’Islam), précise Abdessalam Yassine ajoutant que « Dieu soutiendra uniquement les fidèles armés qui combattent pour la gloire de sa parole. Ce groupe de fidèles forts de la volonté de consentir le martyre, vaincra ses ennemis même si leur nombre est supérieur à celui des Moudjahidines» (P.11 et 12).

Le vocable employé par le prédicateur s’apparente plus à celui des leaders des mouvements djihadistes violents qu’à celui des confréries qui jouent un rôle d’encadrement des croyants dans leur quête spirituelle. Abdessalam Yassine le dit lui-même en page 19 lorsqu’il écrit   que « loin d’être inspiré de la pensée « soufie », notre projet est Jihadi ». Cette précision à elle seule indique que le débat qui pourrait exister sur la traduction ou l’interprétation du Jihad (ou Djihad) est ici inutile car ne présentant aucune ambiguïté sur ce que pense Abdessalam Yassine. Il ne parle pas de devoir religieux au sein de l’Islam en tant que tel ni d’« abnégation », d’ « effort », de « lutte » ou de « résistance ».

Si Nous devions nous attacher à la définition qu’en donne Averroès, il y aurait le jihad par le cœur, par la langue, par la main ou par l’épée. La doctrine développée par Al Adl Wal Ihssane nous mènerait tout naturellement à la dernière, tant les concepts développés dans la « Sunna d’Allah » sont belliqueux. Le jihad par l’épée donc, celui-là même qui a servi d’argument à plusieurs groupes ou mouvements à travers le temps pour contrer les « infidèles ».

Le fondateur de la jamaâ parle de « guerre » et de victoire

Cette victoire reste « tributaire de la préparation pour l’acquisition de la puissance nécessaire » (P.21). Il insiste également sur « le devoir (qui) est d’œuvrer avec dévouement pour l’enrôlement du maximum de fidèles dans les rangs des soldats de Dieu pour qu’ils combattent aux côtés de ceux-ci sur la voie du Jihad (guerre sainte pour défendre ou propager l’Islam) » (P.52).

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Préconiser de mener la guerre n’a rien de pacifiste surtout lorsque l’on s’assigne pour objectif de régner sur le monde et que ce but ne puisse « se concrétiser que grâce au Jihad et à la Qawma, le soulèvement général » (P.301). Pour le fondateur du mouvement, l’approche repose sur le fait d’avoir été choisi, « élu » par Dieu : « cette quête ne peut être menée par n’importe quel mouvement prétendant être porteur du « fanion » de l’Islam mais dont la pureté n’est pas entière » (P.301).

« La guerre n’est que ruse »

Al Adl Wal Ihssane serait alors l’un de ces mouvements « investis » de l’autorité pour mener ce jihad, renverser les modèles politiques et sociétaux en place pour atteindre l’objectif ultime qu’est la restauration du Califat. Il s’agit donc d’une guerre et quel que soit le temps qu’elle prendra, le prédicateur décrit à ses disciples l’état d’esprit dans lequel elle doit être conduite : « nous sommes tenus de mener toutes les étapes de la Qawma avec intelligence, dextérité, finesse et ruse. Il s’agit justement d’une guerre et la guerre n’est que ruse » (P.302).

Le « caractère exécrable des juifs, leur apostasie, leur hypocrisie »

Pour le fondateur de Al Adl Wal Ihssane, un obstacle majeur à ce soulèvement général doit être levé : les juifs « constituent une espèce humaine qui concentre toutes les déviations incarnées par la Jahilia (période préislamique) », écrit-il page 66.

Se préparer à long terme  pour la restauration du califat et réussir dans cette entreprise ne sera pas possible « si nous ne prenons pas conscience du caractère exécrable des juifs, leur apostasie, leur hypocrisie, leur propension à la ruse et leur déploiement pour dévier les gens du chemin de Dieu », écrit Abdessalam Yassine (P.65). Dans le torrent de haine qui le saisit dès qu’il est question des juifs, il ajoute : « il n’y aura pas de résurrection jusqu’à ce que les musulmans tuent les juifs. Les musulmans le feront » (P.70).

Incitation à la haine

C’est là bien plus qu’une incitation à la haine, c’est un appel à passer à l’acte qu’il réitère page 69 en parlant de « cauchemar de la puissance croissante des juifs et leur dépravation » ou encore « les juifs sont maudits par Dieu » (P.80) et « les juifs sont connus pour être les assassins des prophètes » (page 74).

Le déferlement d’antisémitisme d’Abdessalam Yassine continue page 126 en présentant les juifs comme une puissance qui dispose de relais lui permettant de façonner les Etats et les économies : « le judaïsme est favorable dans son essence à la perpétuation des conflits entre les différentes nations ». Pour le fondateur d’Al Adl Wal Ihssane, « le vrai défi consiste à livrer un combat sans merci aux juifs, jusqu’à leurs derniers bastions » (P.124).

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Joseph Goebbels, responsable de l’éducation du peuple et de la propagande nazie, n’aurait pas fait mieux pour tracer et baliser le chemin du parfait petit antisémite. Ceci d’autant plus que les propos de Abdessalam Yassine ne cultivent aucun doute ou confusion avec le sionisme et la cause palestinienne, laquelle question palestinienne est chère au cœur de tous les Marocains, y compris ceux de confession juive dont le conseiller du Roi Mohammed VI, André Azoulay.

Pourtant,  son nom est régulièrement scandé dans les manifestations du mouvement radical, parce qu’il est juif. Les manifestants de la Jamaâ parlent de « honte » s’agissant de son statut de conseiller royal du fait de ses croyances religieuses, faisant de lui une « cible » pour qui prendrait à la lettre les écrits d’Abdessalam Yassine. Celui que la propagande du mouvement présente comme un pacifiste parle de la nécessité d’affronter les juifs « et de les combattre sans répit » (P.74).

Non, les adeptes de Al Adl Wal Ihssane ne sont décidément pas des colombes. Reste à déterminer si leurs soutiens et leurs alliés « démocrates » font l’autruche devant la violence effroyable des textes fondateurs de la Jamaâ ou s’ils se complaisent dans ce miroir aux alouettes.

A suivre…

 

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