Alors que les tocsins de la paix sonnent entre Kiev et Moscou sous parrainage américain, la diplomatie saoudienne occupe aujourd’hui une place de choix dans cette recherche effrénée de la paix entre Russes et Ukrainiens. Cela avait débuté, sur le plan des rencontres diplomatiques, par une réunion au sommet entre les ministres russe et américain des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov et Marco Rubio. Cela s’est poursuivi avec les négociations entre Américains et Ukrainiens au sommet de Jeddah, qui ont abouti à l’acceptation par Kiev d’une trêve d’un mois, préambule à un possible cessez-le-feu et des négociations politiques entre les deux belligérants.
Le premier est à trouver dans le positionnement général des pays arabes par rapport à la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Depuis son déclenchement, la majorité des pays arabes ont refusé de prendre parti. Malgré les relations privilégiées, économiques et de sécurité, qu’ils entretiennent avec l’administration américaine et l’espace européen, ils ont refusé de s’aligner aveuglément sur les Américains et les Européens contre la Russie. S’inspirant d’une philosophie du Sud global, qui considère que la guerre entre Kiev et Moscou est avant tout une affaire européenne et une préoccupation de la famille atlantique, ces pays arabes se sont abstenus d’y participer, que ce soit en armant l’Ukraine ou en participant activement au blocus économique imposé par les Occidentaux à la Russie. L’Arabie saoudite, grand producteur et exportateur du pétrole, a régulièrement refusé d’appliquer des stratégies destinées à étouffer l’économie russe.
«Le prince héritier Mohammed ben Salman endosse volontiers le costume de champion de la paix, et le conflit russo-ukrainien lui donne l’occasion de déployer la nouvelle ampleur de la diplomatie saoudienne.»
La diplomatie saoudienne n’en est pas à son premier coup d’essai dans la guerre russo-ukrainienne. Son implication dans ce conflit lui a déjà permis de travailler à des échanges de prisonniers russes et ukrainiens. Ce fut le cas en septembre 2022, lorsque Ryad a joué un rôle clé dans la libération d’une dizaine de prisonniers étrangers capturés en Ukraine, dont des ressortissants américains et britanniques.
La diplomatie saoudienne a gagné en crédibilité et en efficacité. Elle avait déjà donné la preuve de sa transformation en se rapprochant de la Chine, qui a parrainé un accord politique inédit entre Ryad et le régime iranien. Pékin avait réussi là où Washington avait échoué. L’Arabie saoudite joue aujourd’hui dans la cour des grands en s’imposant comme le réceptacle incontournable d’une paix entre Ukrainiens et Russes. Mohammed ben Salman endosse volontiers le costume de champion de la paix, et ce conflit lui donne l’occasion de déployer la nouvelle ampleur de la diplomatie saoudienne.
Si elle réussit, comme tous les indicateurs semblent le dire, à restaurer la paix en Europe, la médiation saoudienne aura férocement un impact sur la qualité des rôles que jouera l’Arabie saoudite face à d’autres conflits et guerres régionaux. Le leadership saoudien gagnera en notoriété et en efficacité pour espérer remplir un rôle politique et diplomatique à l’image de sa puissance économique et de sa surface financière déjà gigantesque.