Depuis la reconnaissance américaine de là marocanité du Sahara, la France comme de nombreux pays européens se trouvent en porte à faux à l’égard du Maroc. Comme relégués à une posture moins adéquate avec la nouvelle donne politique.
Il est vrai que Paris a, dès le début de sa proposition, fermement soutenu le plan d’autonomie proposé par le Maroc comme unique sortie de crise de ce conflit. Sa diplomatie a même activement milité dans de nombreux forums internationaux pour en souligner la pertinence et en défendre la viabilité.
Les prises de positions françaises tant au niveau européen qu’onusien ont été un précieux soutien à la démarche politique marocaine, qui consiste à trouver une solution négociée sous le drapeau marocain à un conflit territorial vieux de plus de quatre décennies . Mais de là à reconnaître la pleine marocanité du Sahara et envisager d’ouvrir un consulat à Dakhla sur le modèle américain, ce projet français ardemment voulu par le Royaume du Maroc semble encore lointain et rencontre de nombreux obstacles et de multiples freins.
Et pourtant ce n’est pas faute d’avoir lancé des appels de la part de la diplomatique marocaine. Le ministre marocain des Affaires étrangères Nasser Bourita avait lancé une invitation à l’Europe de sortir du confort de la zone grise qui était celle d’attendre pendant des années la solution du processus onusien qui validera en fin de parcours le plan marocain : « l’Europe doit être dans la dynamique internationale. La position américaine doit interpeller l’Europe sur son degré d’engagement pour que cette direction, qui est prise par la communauté internationale, qui est celle d’une solution de l’autonomie sous souveraineté marocaine ».
Ce message était adressé essentiellement à deux capitales proche par la géographie et l’Histoire : Madrid er Paris et par delà à l’ensemble de la gouvernance européenne.
Depuis que Washington a reconnu la marocanité du Sahara, la position française est subitement apparue très en retrait sur ce conflit. A tel point que de nombreuses interrogations s’imposent d’elles même: Qu’est ce qui empêcherait la diplomatie française de reconnaître la marocanité du Sahara de manière directe pleine et totale, sachant que d’une part elle soutient ouvertement le plan marocain d’autonomie et d’autre part sa doctrine diplomatique ne croit aucunement à un possible succès de la cause séparatiste?
Les freins qui brident la position française sur le Sahara marocain sont à trouver du côté de sa relation ambigüe et problématique à l’égard de l’Algérie. A tort ou à raison le Palais de l’Élysée comme le Quai D’Orsay estiment qu’une reconnaissance française de la marocanité du Sahara comme l’a fait l’administration américaine serait perçue par le régime algérien comme une vraie déclaration de guerre et de rupture.
Les tenants de cette approche rappellent que La France d’Emmanuel Macron et l’Algérie d’Abdelamajid Tebboune sont dans une phase de réconciliation mémorielle comme l’ont montré les grandes polémiques provoquées des deux côtés de la rive de la Méditerranée par le rapport de l’historien Benjamin Stora, chargé par l’Elysée de faire des propositions d’une pacification mémorielle.
D’autres moins cléments dans leurs jugements rappellent aussi que la France a toujours été contrainte dans son expression sur l’Algérie et les conflits qui s’y attachent. Qu’il s’agisse de commenter la décennie noire, le Hirak algérien, la situation politique interne au pays ou même le financement du séparatisme marocain qui a toujours été une priorité absolue de l’agenda diplomatique algérien, la diplomatie française ne se sent pas autorisée à s’exprimer aussi librement comme s’il le ferait pour n’importe quel autre pays. La très spécifique, la très abrasive relation franco-Algérienne pèse encore de tout son poids sur la marge de manœuvre française à l’égard de l’Algérie.
A titre d’exemple, quand un ancien premier ministre français Alain Juppé fait ce terrible constat sur l’Algérie : « Les perspectives ne sont guère encourageantes: on voit l’Algérie bloquée (…) Le régime est imperméable aux mouvements populaires, il est sur un volcan », il choque par la nudité de son expression et le réalisme de son analyse. Il est toutefois inimaginable de retrouver les mêmes mots pour analyser la situation dans la bouche de l’actuel ministre des affaires étrangères Jean Yves le Drian même si le constat qu’il fait en privé, selon de nombreuses confidences dans la presse, n’est pas très loin de celui d’Alain Juppé.
La France devrait sauter tous ces verrous psychologiques et politiques à l’égard de l’Algérie et prendre des décisions qui soient en cohérence avec sa vision de la paix et de la prospérité dans la région nord africaine. Le conflit du Polisario est une crise artificiellement entretenue par le régime algérien pour servir un agenda qui n’a pour priorité ni la stabilité ni la prospérité de la région.