Covid-19 : pourquoi le Maroc a raison de ne pas baisser la garde

Rabat fait le choix d’un déconfinement progressif et de la prolongation de l’état d’urgence sanitaire, au moment où la résurgence de l’épidémie oblige certains pays à reconfiner leur population et que l’OMS tire la sonnette d’alarme.

Après avoir été l’un des premiers à calfeutrer ses populations, le Maroc sera l’un des derniers à opérer progressivement un retour à la normale, « un allègement progressif » avec le maintien de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet .
En dépit d’une situation économique et sociale difficile et malgré l’incompréhension et la colère manifestée par une partie de la population notamment à travers les réseaux sociaux, et les appels lancés par certains médias pour la levée du confinement, le Royaume chérifien a préféré jouer la carte de la prudence pour préserver les indicateurs sanitaires particulièrement favorables, malgré l’alerte suscitée par un foyer de contamination détecté la semaine dernière à Lalla Mimouna, petite bourgade dans la région de Kenitra.
L’apparition de ce cluster a agi comme un véritable électrochoc d’autant que 80% des cas enregistrés à Lalla Mimouna sont asymptomatiques. Cet épisode vient rappeler que si la majorité des efforts déployés par l’Etat marocain ont été payants, essentiellement tournés vers les zones urbaines à la densité de la population plus élevée, il vient comme une piqûre de rappel signifier aux décideurs que le monde rural a peut-être été quelque peu  négligé dans cette course contre la flambée de l’épidémie.
Dans une configuration idéale, les millions d’ouvriers et d’ouvrières du pays auraient été testés mais les coûts sont énormes et le dispositif logistique à mettre en place tout simplement irréalisable, y compris pour des pays mieux équipés et disposant de moyens financiers plus conséquents.
Aussi, faut-il poursuivre la politique stricte mise en place : isoler immédiatement les foyers détectés, testés et soigner. Il faut également identifier les dysfonctionnements qui ont mené à la situation de Lalla Mimouna.

Tirer les leçons du cluster de Lalla Mimouna

Le Procureur Général de Kenitra a annoncé l’ouverture d’une enquête sur les causes de la propagation de la covid-19 dans cette région agricole où le Maroc a failli frôler la catastrophe. Il s’agit de faire la lumière sur la propagation rapide du virus dans cette province: Quelles ont été les négligences ayant menées à l’apparition de ce foyer ? A qui incombe la responsabilité de la contamination de plusieurs centaines de personnes?

Les normes de sécurité et d’hygiène n’ont, de toute évidence, pas été respectées et ont favorisé l’apparition de ce cluster. C’est un véritable scandale sanitaire étayé par des chiffres du ministère de la Santé qui répertoriait déjà dans cette région le 19 juin dernier 457 cas de contamination, le plus lourd bilan en 24h jamais enregistré depuis le début de la pandémie au Maroc.
Ce sont essentiellement des femmes qui seraient concernées, toutes employées dans deux unités de transformation de fraises et une troisième dans la fabrication de glaçons.
C’est un dépistage de masse qui a révélé l’ampleur du foyer, jetant le doute sur les conditions de travail et d’hygiène de la part des employeurs mais également l’absence de respect du confinement à Lalla Mimouna.

 Du strict respect des mesures sanitaires

Là-dessus, c’est la responsabilité des autorités locales et des représentants du ministère de la Santé qui est engagée. Un scandale dont se serait bien passé le ministre de l’Intérieur Abdelouafi Laftit qui a annoncé samedi l’ouverture d’une enquête avec une commission composée des ministères du Travail, de l’Agriculture et de la Santé.
Il n’est pas question, nous assure une source proche de son département de “laisser passer cela sans que les responsabilités ne soient établies et les responsables identifiés et sanctionnés ». C’est une mise en garde claire que les autorités entendent signifier aussi bien aux chefs d’entreprises qu’aux autorités en charge.
La négligence ou l’irresponsabilité de quelques-uns ne sauraient réduire à néant les sacrifices consentis par la Nation et les Marocains, lesquels ont enduré l’un des plus longs confinements dans la lutte contre la pandémie depuis la mi-mars.
Ce d’autant plus qu’il a fallu réagir vite à Lalla Mimouna pour réaliser les tests de dépistages sur plusieurs centaines de personnes, fermer les unités de productions, durcir les mesures de confinement sanitaire dans toutes les communes de la province de Kenitra, mettre en place dans l’urgence un hôpital de campagne à Sidi Yahya El Gharb pour recevoir les cas enregistrés dans ce foyer et faire face à la colère des populations concernées dont les vidéos ont largement été partagées ces trois derniers jours sur les réseaux sociaux.
Un travail titanesque et ingrat qui a mobilisé des moyens humains et matériels qui auraient pu être déployés ailleurs, alors que le pays s’apprête à passer à une vitesse supérieure dans sa stratégie de déconfinement progressif.
Cet épisode de Lalla Mimouna vient rappeler l’importance du respect le plus strict des mesures sanitaires et les jours à venir seront déterminants dans la manière dont les Marocains aborderont le déconfinement. Le masque reste obligatoire et les mesures de distanciation sociale et d’hygiène sont capitales pour la réussite de cette étape, à la lumière de la résurgence du virus dans le monde.

L’OMS tire la sonnette d’alarme

 

« Alors qu’il a fallu 3 mois pour dépasser la barre du premier million, il a fallu à peine 8 jours pour le dernier million enregistré» , s’inquiète Tedros Adhanom Ghebreyesus, le Directeur Général de l’organisation onusienne qui craint un regain de la pandémie avec un seuil de 10 millions de cas qui devrait être atteint la semaine prochaine, sachant que l’Amérique du Sud, devenue l’épicentre de la pandémie n’a pas encore atteint son pic.
Jusque-là plutôt épargné, le Portugal enregistre 9 000 cas en moins d’un mois essentiellement dans la région de Lisbonne. Les autorités y ont décidé de procéder à la fermeture des cafés et des commerces à 20H et certaines mesures de confinement vont être rétablies avec une loi qui permettra aux forces de sécurité d’accentuer leur présence dans les rues et « d’augmenter les amendes pour ceux qui participent ou organisent des évènements non autorisés », a annoncé le premier ministre portugais, ajoutant que les rassemblements de plus de 10 personnes seront interdits.

Déconfinement , reconfinement et inquiétudes

Le plus grand abattoir d’Europe situé en Allemagne a vu la découverte d’un nouveau foyer de contamination et 1500 des employés qui ont été testés sont infectés à la Covid-19. Un nouveau reconfinement à été décrété et touchera  360 000 habitants, tandis que dans le centre du pays des mesures radicales ont vu tout un quartier isolé derrière des grilles, sous haute surveillance de la police, après la découverte d’une centaine de cas .

En Corée du Sud, un rebond est observé avec l’apparition de plus de cinquante nouveaux cas par jour alors que l’on pensait la situation sous contrôle grâce à la généralisation des tests et le traçage des malades.

Aux Etats Unis, le sud du pays connait une accélération des contaminations tandis que la Chine, berceau de la pandémie, a lancé une vaste campagne de tests pour tenter d’enrayer un nouveau foyer détecté à Pékin, relativement épargné jusqu’ici par le virus.
En France, les craintes de voir réapparaître le virus à grande échelle sont réelles et des départements, comme la Meurthe et Moselle qui a vu tripler le nombre de cas la semaine dernière, sont attentivement observés par les autorités sanitaires qui s’inquiètent du manque de respect des mesures de distanciation sociale. Elles ont été observées un peu partout dans l’hexagone, notamment lors de la fête de la musique.

Redoubler de vigilance

Le Maroc non plus n’es pas à l’abri d’un risque de relâchement mais à considérer le ton de la fermeté utilisé par le ministre de l’intérieur, Abdelouafi Laftit, tout manquement mènera à un retour immédiat à des restrictions sanitaires drastiques dans toute région qui verra l’apparition d’un foyer épidémiologique comme celui de Lalla Mimouna.
Si le Maroc a prolongé le confinement et l’état d’urgence sanitaire, repoussé l’échéance pour commencer le rapatriement de ses ressortissants restés coincés à l’étranger, renoncer à organiser l’opération Marhaba destinée à encadrer le retour massif des Marocains établis à l’étranger et qu’il n’a pas encore rendu public de date précise pour l’ouverture de son espace aérien international, c’est bien dans l’objectif d’éviter tout effet rebond. Il compromettrait les acquis sanitaires de ces trois derniers mois et un retour à la normale qui soit pérenne.
Des décisions douloureuses aussi bien humainement que sur le plan économique ont été prises par le Royaume chérifien. Le déroulement du déconfinement nous indiquera dans les dix prochains jours si la stratégie du Maroc a été la bonne.

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