Beur FM/Israël: Rose Ameziane dénonce les « agissements antisémites » de la radio
Animateurs sur Beur FM de l’émission politique « L’Actu autrement », Rose Ameziane* et Malik Yettou ont été lourdement sanctionnés par la direction de la radio, dirigée par la franco-algérienne Djima Kettane, après une rencontre avec l’ambassadeur d’Israël en France, Daniel Saada. Cette rencontre était programmée dans le cadre de la préparation d’une émission sur l’accord entre le Maroc et Israël portant sur le rétablissement de leurs relations. Scandalisée et consternée par la réaction de la direction Beur FM, à l’instar de son confrère, Rose Ameziane a qualifié d' »agissements antisémites » la position de la radio et dénoncé de « faux semblants ». Les deux animateurs ont reçu le soutien d’hommes et de femmes politiques français, ainsi que celui de l’ambassade d’Israël. Une suite judiciaire n’est pas exclue. Entretien
Avec Malik Yettou, co-animateur de l’émission politique « L’Actu autrement » sur Beur FM, vous avez été sanctionnés par la direction après votre rencontre avec l’ambassadeur d’Israël en France. Pouvez-vous nous éclairer sur ce qui s’est passé ?
Avec Malik Yettou, nous sommes scandalisés et consternés par cette affaire. Nous ne comprenons pas la décision de la direction et encore moins d’être sanctionnés après avoir rencontré l’ambassadeur d’Israël en France. La directrice de Beur FM, Djima Kettane, a commencé par suspendre l’émission pendant plusieurs semaines. Cette sanction nous a été notifiée, le 23 décembre, par e-mail dans lequel elle nous informe que suite à cette rencontre avec l’ambassade d’Israël, l’émission ne sera pas reconduite à la rentrée et ce pas avant un bon debrief sur la ligne éditoriale de la radio. La seconde sanction est tombée quelques semaines après. La direction a déprogrammé l’émission, diffusée le vendredi, pour la reléguer à une tranche horaire de très faible écoute. Nous avons appris la décision par Facebook. L’excuse était une modification de la grille. Sauf qu’il n’en est rien. Nous étions les seuls concernés par le changement. Elle a justifié cette déprogrammation par une volonté de faire du direct. Or, nous n’étions pas du tout opposés à cela. On lui a même proposé une diffusion en direct avec un invité qui apporterait la contradiction. Et depuis quelques jours, nous avons également été bannis du site internet de la radio. On n’a plus accès aux podcasts de l’émission. Nous avons demandé des explications, on a eu droit à de faux arguments et des mensonges.
Comment ces sanctions ont-elles été justifiées ?
Tout est disproportionné. Cette séquence pose énormément de questions : est-ce de l’antisémitisme ? Est-ce de la défiance contre Israël ? Est-ce la détestation primaire de l’ennemi sempiternelle marocain ?
Je m’interroge réellement sur les motivations de cette prise de position. Car en quoi le fait d’aborder cet accord historique entre le Royaume du Maroc et Israël ne fait pas partie de la ligne éditoriale de Beur FM ? En quoi avons-nous outrepassé nos droits en rencontrant l’ambassadeur d’Israël en France ?
Sur le site de la radio, il y a trois onglets qui sont : « Algérie, Maroc, Tunisie ». On est donc pleinement dans une actualité qui concerne nos auditeurs d’origine maghrébine et à forte raison marocaine. Mais on nous explique que nous n’avons pas respecté la ligne éditoriale de la radio !
Quand on respecte ses auditeurs, on leur offre des grilles de lecture diversifiées, on donne la parole à des sensibilités différentes et on laisse les gens se forger leur propre opinion. La seule chose à laquelle on doit veiller, c’est que nos propos ne soient pas un appel à la haine ou offensants.
Quel a été l’objectif de votre émission ?
Nous étions dans une démarche saine, celle de comprendre et de décrypter une actualité, mais nous avons eu en face des agissements antisémites refusant de traiter le sujet et de donner de la visibilité à cet accord historique entre le Maroc et Israël auquel on ne s’attendait pas..
Notre objectif était de donner une grille de lecture et de compréhension à nos auditeurs pour qu’ils se forgent leur propre opinion. On avait aussi envie de comprendre comment demain le Roi du Maroc pouvait devenir le conciliateur du conflit israélo-palestinien.
Ils sont venus nous chercher pour notre ouverture d’esprit et, aujourd’hui, on nous la reproche. Vont-ils aussi nous demander d’arrêter de nous interroger sur la politique étrangère de l’Algérie ou sa politique migratoire ? On ramasse les Africains, on les jette dans le désert et on les laisse crever, au point qu’aujourd’hui, les familles de migrants essaient de trouver les ossements de leurs proches. Il faut qu’on arrête avec l’hypocrisie. Si on est véritablement humaniste, on fait preuve au moins d’un peu d’honnêteté dans ses indignations.
Beur FM se présente comme une radio apolitique et laïque et prônant le vivre ensemble, alors que dans les faits elle refuse de parler d’un accord, une initiative qui s’inscrit pleinement dans le vivre ensemble. Il faut arrêter d’infantiliser les auditeurs ou de croire que l’habitant de confession musulmane d’un quartier populaire est forcément anti-juif. C’est réducteur et arriéré. Il y a une distorsion entre ce qui est écrit sur la plaquette commerciale de la radio et la réalité.
Quelle suite comptez-vous donner à cette affaire ?
Le divorce est consommé avec Beur FM. Nous dénonçons l’hypocrisie et les faux semblants. Mais nous ne comptons pas en rester là. Nous sommes en train de prendre nos dispositions pour aller devant la justice.
- Rose Ameziane est aussi chroniqueuse politique sur LCI et intervient sur Cnews. Elle est présidente de MouvTerritoires, pour la réussite des quartiers populaires.