Parcourir nos villes marocaines pendant la campagne électorale pour les législatives du 8 septembre laisse entrevoir une sorte de décor commun. Toute une palette de tenues semble uniformiser le paysage à Meknès: casquettes, écharpes, tee-shirts, vêtements portant le symbole du candidat.
Tout est mis en œuvre pour carotter la voix de l’électeur troublé par ce vent de propagande qui anime les candidats des 32 partis en lice, obligés d’éviter les grands meetings et de recourir aux tracts, affiches, porte-à-porte, techniques visioconférences, en observant toutefois scrupuleusement les restrictions en vigueur contre la pandémie de Covid-19.
En cette période de campagne électorale, les Hommes de lettres cèdent complètement la place à de nouveaux ‘’artistes’’ du mot. Une nouvelle littérature électoraliste résonne dans l’oreille sourde de l’électeur, peu sensible à l’appel idéologique et aux programmes politiques des partis en lice. Des discours emprunts de belles paroles et de fausses promesses, offrent aux électeurs une scolarité meilleure, un emploi stable et un avenir plus prometteur. La littérature électoraliste fait ainsi l’objet d’une fixation accentuée sur le sens et le double sens, une sorte de jargon standardisé, des formules quasi stéréotypées et des thèmes incontournables comme la santé, l’enseignement, la démocratie, la transparence, et la nécessaire lutte contre le chômage.
Nos 32 partis politiques optent ainsi pour des formes linguistiques épiques pour viser une majorité facile à manipuler verbalement. Des slogans qui pèsent lourd de part leurs mots et les valeurs qu’ils incarnent, tels le progrès (dima dima lqaddam), lit-on sur les pancartes du RNI, l’équité maintenant (Mounassafa Hiya daba), pour le PPS. Nous méritons mieux, (nastahiqo l’Ahssan) pour le PAM, ‘’ une démocratie sans femmes est une démocratie mutilée’’ pour l’USFP..
Quant au PJD, on s’agite au sein du parti pour rééditer l’exploit de 2016 avec 125 sièges, devant le PAM, qui lui, en a décroché 102. Le Parti islamiste tient le pari de remporter les législatives pour la troisième fois depuis son arrivée aux affaires en 2011. On redouble d’énergie, on surfe sur la fibre religieuse et identitaire en vue de s’accaparer les voix de ceux à qui le parti a inculqué l’idée que l’islam est le mode d’emploi unique pour tous les problèmes humains, alors que c’est autour du logement, de l’emploi, de l’économie, de la santé, que se cristallisent les véritables enjeux.
Dans leurs messages écrits ou transmis visuellement, les partis de droite ne déambulent pas de la même manière. Ils centrent sur des priorités économiques, véritables gages, selon eux, d’une société apaisée disposant d’un appui social solide.
Les candidats de gauche adressent, pour leur part, des discours moins identiques. C’est aux femmes, aux jeunes, aux instruits que leur message se veut fort, convainquant et vainqueur. Il est vérité convaincante, pour les uns, et sorte de calmant temporaire, selon d’autres, surtout quand il s’adresse à l’âme sensible et peinée de la femme, cet élément ‘’fondamental, pilier de développement’’ pour les beaux parleurs politiciens. On a beau avoir de magnifiques discours qui instaurent de belles égalités, mais sur le terrain les choses ne se passent pas forcément au gré des faiseurs de phrase. Et s’il est un terrain sur lequel le bilan du Maroc est loin d’être édifiant, c’est bien celui de l’égalité femmes/hommes.
Le hic dans cette littérature électoraliste, c’est que l’électeur est conscient des manipulations de certains candidats. Il en a vu plusieurs venant avec de belles promesses sur le paradis promis par un tel parti ou un tel candidat présentant des projets bien ficelés en apparence sur la scolarité, la santé, la culture, le sport, la jeunesse, l’emploi… Et bien d’autres secteurs qui relèvent du social, de l’économique, et du bien vivre de tout un chacun dans une communauté où la précarité n’aura aucune place.
Et de là, l’impression qui règne dans la ville de Meknès, est que les candidats des partis en lice peignent une image inverse du vécu d’une population déçue et nostalgique d’un passé glorieux digne d’une ville impériale. Et au lieu de présenter des projets qui libèrent et dynamisent la créativité sur les bases d’une démarche active centrée sur les femmes et les hommes qui font le Maroc, ils s’emploient à redire les mêmes phrases décousues et les mêmes discours affectivement chargés.
Qu’à cela ne tienne, la grande inconnue de ces élections reste la participation. Il y a au Maroc un désaveu croissant à l’égard de la politique et à l’égard des urnes. Combien des 18 millions de Marocains appelés à voter, vont-ils se présenter aux urnes ?. Le désespoir est manifeste dans les rangs, notamment des jeunes, qui risquent de boycotter en masse ces législatives qui n’ont enregistré lors du scrutin de 2016 que 42,29% de participation, contre 45,40 en 2011.