Tribune-Le confinement et Ramadan : une nouvelle équation sociale !
Rien n’est facile mais tout est possible. Avec la nouvelle équation sociale, fruit du hasard du calendrier qui a télescopé les contraintes du confinement et les efforts sur soi que suscite l’observation du jeûne du mois de Ramadan. Ainsi, nous allons vivre le mois sacré, le plus inédit et le plus singulier de notre existence. Placé sous le signe de l’Etat d’urgence sanitaire et du confinement, notre « habitus », en l’espèce cette grille d’attitudes, des comportements sociaux qui régulent notre quotidien, connaîtra un bouleversement radical.
Un chamboulement qui impactera, notre rapport au sacré et notre aptitude à gérer l’aspect profane, d’un quotidien ramadanesque, lequel nous n’y avons jamais été préparé. Privés de nos repères, sevrés d’une proximité, de notre singularité. Le tout se dissout et fond dans la masse des comportements allant du plus sage au plus irrationnels. Nous serons contraints, d’inventer un nouveau mode d’exercer ce culte, à la fois religieux et culturel, sous haute tension.
Mon propos, s’intéresse essentiellement, à notre mode de domestication, aux multiples addictions sociales, au réel défi individuel même en temps normal, sont un véritable challenge, en période de confinement, et de couvre-feu nocturne. Par ailleurs, sachant que les nuits ramadanesques ont toujours constitué, par leur ambiance particulière et conviviale, un moment privilégié, pour se libérer des contraintes professionnelles ou personnelles pesantes, d’une journée de jeûne et d’abstinence.
A ce titre, il est intéressant d’analyser ce fait sociétal sous le prisme d’une typologie comportementale fondée sur les différentes catégories d’âges, et leur aptitude à s’adapter aux contraintes du jeûne, en période de confinement et de distanciation sociale. Ainsi, c’est à travers la famille, comme cellule sociale de base, que sont révélés, les dysfonctionnements, induits par le confinement en plein ramadan.
Au niveau de la vie conjugale et parentale, comment un couple actif, avec des enfants scolarisés, pourra t-il gérer une coexistence déjà éprouvée par les restrictions professionnelles, liées au chômage technique et scolaires depuis l’arrêt dictés par les mesures d’urgence sanitaire ?
Quelle alternative pédagogique et cognitive pour les adolescents, une boule d’énergie et d’hormones débordantes, et étouffées par une série de mesures restrictives et privatives de mobilité sociale, qu’offrait l’espace scolaire ? Un espace qui ne se réduit pas seulement à L’apprentissage, mais constitue également, un cadre de vie, d’échange et de partage, et surtout, un lieu, où, l’adolescent conjure et brave les interdits, et s’affirme en tant qu’individu, loin de l’emprise et des injonctions parentales, voire patriarcales.
Cet exutoire, obstrué, par le confinement, ne peut que générer un mal-être, source de problèmes psychologiques forts déstabilisants. Par ailleurs, l’activité sportive à l’air libre, utile et agréable, très prisée pendant le Ramadan, mais hélas, suspendue, pour raisons sanitaires, ne fait qu’amplifier la frustration. De même, la digitalisation scolaire, qui s’avère une illusion déshumanisante et dépersonnalisantes de la transmission du savoir. Ce n’est pas une solution, c’est un simulacre.
Toujours est-il que dans ces conditions, où tous les espaces de vie, sont fermés au public et vidés de toute substance vivifiante, et où le cloisonnement, reste l’ultime refuge, les symptômes dépressifs s’y installent, et les tensions deviennent inévitables. Des adolescents devenus des oiseaux en cage. Un véritable cauchemar pour les parents comme pour les enfants.
Pour les hommes et dans une société patriarcale, que ce soit le père de famille ou le responsable du ménage, c’est toujours les habitudes désagréables liées aux multiples formes d’addictions à la cigarette au à d’autres substances, aux terrasses des cafés, au rituel de la prière des Tarawih et aux jeux de cartes…Habituellement, les hommes avaient l’habitude de passer leur journée entre le travail et le sommeil pour éviter la confrontation avec leurs conjointes, les frères, les sœurs et même leurs propres progénitures.
Quant aux femmes, elles avaient pour habitude durant le mois de Ramadan de gérer et de supporter les tensions des uns et des autres le ménage, la préparation des repas, les caprices des enfants, du mari et de toute la famille, elles ne peuvent avoir un répit qu’en dehors de quelques minutes de solitude .Un moment important pour maintenir leur équilibre mental et spirituel.
Les enfants en bas âge sont, certes, sources de bonheur et d’espoir mais aussi une réserve d’énergies débordantes. Les crèches et les écoles, qui soulageaient les familles pendant le ramadan, étant fermées, c’est à la femme qu’échoue le rôle d’éducatrice, en plus des tâches ménagères décuplées durant le Ramadan. Que Dieu puisse lui venir en aide.
Certes, c’est dur mais pas impossible de vivre le confinement pendant le ramadan par ce qu’on sera privé de tous nos habitudes bonnes comme mauvaises. La frustration sera au rendez-vous puis qu’ont doit oublier nos soirées ramadanesques en famille, avec nos amis, grands-parents, frères et sœurs, cousins-cousines…
Oui Ramadan commence et le confinement sera plus dure… car beaucoup de personnes deviennent incontrôlables en agressant, verbalement ou physiquement, les membres de leur famille ou leurs collègues au travail, souvent à cause des tensions issues de la proximité constante dans un espace étroit .Des personnes vont vous provoquer, vous pousser à la colère, alors surtout, ne cédez pas à cette colère, car vous n’êtes pas concernés par le comportement de quelqu’un même si ce comportement semble vous viser. Restez juste calme.
Pour comprendre comment se comporter, laissez-moi vous raconter cette petite histoire qui traduit intitulée La paix intérieure « Un jour, un pêcheur décida de méditer seul, loin de son village. Il s’en fuit dans une barque, au milieu du lac, jeta l’ancre, ferma les yeux et commença à méditer. Après quelques heures de silence, il sentit soudainement le choc d’une autre barque heurtant la sienne. Les yeux toujours fermés, il commença à sentir la colère, puis la rage. Il ouvrit alors les yeux, prêt à hurler sur le pêcheur qui avait si brutalement dérangé sa méditation. En ouvrant les yeux, Il resta bouche bée : c’était une barque vide qui avait heurté la sienne. L’embarcation s’était probablement détachée et avait dérivé. Il comprit que le moindre choc de l’extérieur suffisait à ce qu’il se mette, tout seul, en colère. Dès lors, chaque fois qu’il rencontrait quelque qui l’irrita ou provoqua sa colère, il se souvenait : “Cette colère est la mienne. L’autre n’est qu’une barque vide. »
Rappelez-vous toujours de cette phrase : Cette colère est la mienne. L’autre n’est qu’une barque vide. Et tout ira bien.
Faisant bon ménage contre mauvaise fortune
*Amina Akesbi-Hibbane,
Responsable des Ressources humaines au sein d’une multinationale à Casablanca