Le retour gagnant du Maroc en Afrique
« Cette décision de retour, réfléchie et longuement mûrie, émane de toutes les forces vives du Royaume ». C’est par cette phrase bien ciselée que le Roi Mohammed VI avait terminé son message historique adressé au 27e somment de l’Union africaine dans lequel il annonce la décision du Maroc de reprendre sa place entière et pleine au sein de l’Union africaine (UA). Dans son plaidoyer, Mohammed VI avait rappelé que « Le Maroc qui avait quitté l’OUA (ndlr, devenue l’UA) n’a jamais quitté l’Afrique ».
Par Mustapha Tossa
Mohammed VI est longuement revenu sur les raisons qui ont poussé le Royaume à déserter les instituons de l’Union africaine. Avec une pointe d’amertume, Mohammed VI regrette que l’UA ait à s’inscrire dans une stratégie en décalage avec l’histoire et la géographie en admettant une entité séparatiste comme le Polisario dans ses rangs, qualifié de "pseudo Etat" par le souverain marocain dans sa lettre à ses pairs africains réunis en sommet. Il le dit avec une grande clarté: "Il est, en effet, difficile d’admettre que le Royaume, Nation pérenne et ancestrale, soit comparé à une entité ne disposant d’aucun attribut de souveraineté, démunie de toute représentativité ou effectivité".
Ces choix de l’UA ont été comparé par Mohammed VI a un " fait accompli immoral, ce coup d’état contre la légalité internationale, ont amené le Royaume du Maroc à éviter la division de l’Afrique au prix d’une douloureuse décision, celle de quitter sa famille institutionnelle". Analysant les évolutions de la situation et des rapports de force internationaux, Mohammed VI pointe une réalité politique et diplomatique qui devient aussi anachronique que lourd à gérer pour les instituions africaines :" L’Union africaine, n’est- elle pas en contradiction évidente avec la légalité internationale ? Puisque ce prétendu Etat n’est membre ni de l’Organisation des Nations Unies, ni de l’Organisation de la Coopération Islamique, ni de la Ligue des Etats arabes, ni d’aucune autre institution sous régionale, régionale ou internationale ?"
Dans cette optique et pour accompagner sa décision de retour au sein de la famille institutionnelle africaine, Mohammed VI demande ouvertement à l’Union africaine de revoir ses choix et sa stratégie à son égard. Cette exigence de révision est d’autant plus indispensable que le souverain marocain s’interroge avec une grande pertinence sur la cohérence des postions de l’Union africaine avec celle de ses membres qui ont abandonné les sirènes séparatistes du Polisario. L’UA, resterait-elle, en déphasage avec la position nationale de ses propres Etats membres, puisqu’au moins 34 pays ne reconnaissent pas ou plus cette entité ?"
Sur un tout autre plan tout aussi politique, Mohammed VI lance à l’encontre des chefs d’Etats africains une réalité qui montre l’immense contradiction sur le Sahara marocain entre l’actuelle position de l’UA et celle de la communauté internationale. Et il la pointe avec une imparable argumentation : " L’Union africaine se trouve aussi en total décalage avec l’évolution de la question du Sahara, au niveau des Nations Unies. Un processus est en cours, sous la supervision du Conseil de Sécurité, pour parvenir à une solution politique définitive de ce différend régional". La fin de sa plaidoirie et de son argumentation, Mohammed VI porte l’estocade finale une institution africaine obligée de revoir l’ensemble de sa stratégie à l’égard de cette crise:"L’UA ne peut donc, seule, préjuger de l’issue de ce processus. Par sa neutralité retrouvée, elle pourrait, par contre, contribuer d’une manière constructive à l’émergence de cette solution".
"Une neutralité retrouvée", un concept/solution passe forcément par une révision de la position de l’UA à l’égard du Polisario et de son admission comme membre de l’Union.
Dans sa démarche Mohammed VI parie beaucoup sur la sagesse des chefs d’Etat africains pour créer les conditions d’un retour réussi du Maroc au sein de la famille institutionnelle africaine. Cette initiative est de nature à mettre davantage de pression sur les milieux hostiles aux intérêts du Royaume qui avaient mobilisé d’énormes moyens pour assurer une propagande et un lobbying au profit des séparatistes du Polisario. Elle mettra aussi l’UA devant ses responsabilités historiques: ou accepter un retour gagnant du Maroc et organiser un leadership africain capable de faire entendre sa voix et ses intérêts dans le grand concert de nations et de relever les immenses défis du développement et de la stabilité ou rester victime de divisons et de guerres intestines qui paralysent toutes les énergies et créent les conditions du chaos et de l’insécurité.