France: le Parlement adopte la loi controversée de lutte contre la haine sur internet
Le Parlement a adopté définitivement mercredi, par un ultime vote à main levée de l’Assemblée, la proposition de loi controversée de Laetitia Avia (LREM) de lutte contre la haine en ligne.
Le texte prévoit pour plateformes et moteurs de recherche l’obligation de retirer sous 24 heures les contenus « manifestement » illicites, sous peine d’être condamnés à des amendes jusqu’à 1,25 million d’euros.
La majorité ainsi que les députés UDI-Agir ont majoritairement voté pour, les socialistes se sont pour la plupart abstenus, tandis que les parlementaires de droite, de Libertés et territoires, de LFI et du RN s’y sont opposés.
Le vote est intervenu alors que la députée Laetitia Avia qui porte cette proposition de loi est mise directement en cause par Mediapart pour des « humiliations à répétition » et des « propos à connotation sexiste, homophobe et raciste » à l’encontre de ses cinq ex-collaborateurs parlementaires.
L’élue de Paris, qui dénonce des « allégations mensongères », a indiqué qu’elle allait déposer plainte pour diffamation.
La parlementaire de 34 ans, avocate de profession, vise avec sa proposition de loi « la fin de l’impunité » en ligne. Il s’agit du premier texte au menu sans lien avec le coronavirus, depuis le début de l’épidémie en France.
Dans le droit fil de l’engagement d’Emmanuel Macron depuis 2018 à renforcer la lutte contre la haine raciste et antisémite qui prospère sur internet, la proposition de loi avait entamé son parcours parlementaire en avril 2019, puis a été assez largement remaniée, au gré des critiques ou observations, jusqu’à la Commission européenne qui demandait un meilleur ciblage des contenus incriminés.
La proposition de loi a suscité de nombreuses réserves, notamment du Conseil national du numérique, de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, ou encore de la Quadrature du Net, qui défend les libertés individuelles dans le monde du numérique.
Alors que l’Hexagone se veut à la pointe du mouvement mondial de régulation, mais peine à faire avancer le sujet, le secrétaire d’Etat au Numérique Cédric O juge l’équilibre « atteint » entre liberté d’expression et « efficacité ».
Les grandes entreprises du numérique affichent leur soutien au renforcement de la lutte contre la haine en ligne, mais l’obligation de retrait inquiète. Car elle obligera les plateformes à décider très rapidement, au risque d’une cascade de polémiques et conflits juridiques.
Au-delà, le texte prévoit une série de nouvelles contraintes pour les plateformes: transparence sur moyens mis en oeuvre et résultats obtenus, coopération renforcée notamment avec la justice, surcroît d’attention aux mineurs. Le tout sera contrôlé par le Conseil supérieur de l’audiovisuel.
La plupart des groupes politiques se sont partagés. Une poignée de députés de la majorité s’étaient abstenus lors des précédentes lectures.