Présidentielle en Guinée: l’opposition dénonce une fraude « à grande échelle »

Le principal parti d’opposition en Guinée a dénoncé mardi une « fraude à grande échelle » afin de le priver de la victoire qu’il revendique à la présidentielle de dimanche, alors que les grandes organisations régionales africaines ont jugé que le scrutin s’était déroulé de manière régulière.

Le président sortant Alpha Condé, qui brigue à 82 ans un troisième mandat controversé, est « en train de tout mettre en oeuvre pour faire modifier les résultats sortis des urnes en sa faveur », a accusé devant la presse Fodé Oussou Fofana, directeur de campagne de son principal opposant, Cellou Dalein Diallo.

« Les administrateurs territoriaux, les forces de défense et de sécurité, les ministres, les hauts cadres de l’administration centrale et certains magistrats sont tous mobilisés pour réaliser cette fraude à grande échelle », a-t-il détaillé.

« Cette fois, personne ne nous volera notre victoire », a ajouté M. Fofana.

M. Diallo avait affirmé lundi avoir gagné l’élection « dès le premier tour », une déclaration unilatérale qui a déclenché des scènes de liesse dans des quartiers de la banlieue de Conakry, son fief et celui de parti, l’Union des forces démocratiques (UFDG), mais aussi la condamnation du parti au pouvoir ainsi que des violences.

Celles-ci ont coûté la vie à « quatre adolescents tués par les forces de défense et de sécurité aux ordres d’Alpha Condé », a dit Fodé Oussou Fofana, alors que l’UFDG avait jusqu’ici fait état d’un bilan de trois morts.

L’organe chargé d’organiser les élections, la Céni, a jugé la proclamation de victoire de M. Diall « prématurée », « nulle et de nul effet ».

Le directeur de la communication de l’UFDG, Ousmane Gaoual Diallo, a estimé mardi que « le candidat Cellou Dalien Diallo obtiendrait entre 53 et 58% », alors que la tension reste palpable à Conakry.

 

 Domicile encerclé

 

Le domicile de M. Diallo était ceinturé mardi en début de soirée par environ 25 gendarmes et policiers, équipés de casques et de boucliers et soutenus par deux camions anti-émeute, a constaté un journaliste de l’AFP.

« Je suis actuellement bloqué chez moi: mon domicile est encerclé par la police et la gendarmerie, qui interdisent toute entrée et toute sortie. Ne pouvant faire face à la vérité des urnes, le régime anti-démocratique d’Alpha Condé tente de s’imposer par la force. Il est temps pour la #Guinée de tourner la page de ce régime liberticide et fratricide », a écrit sur Facebook M. Diallo.

Alpha Condé a pour sa part rompu le silence qu’il observait depuis dimanche par un court message sur Facebook: « #Vous et moi. Je salue la maturité politique de nos concitoyens. La Guinée est une et indivisible. #Paix #Quiétude #Sérénité ».

« Le processus électoral s’est déroulé dans la paix, conformément à la législation en vigueur en Guinée », avait dit en début d’après-midi à Conakry le chef de la mission d’observation de la Communauté des Etats ouest-africains (Cédéao), José Maria Neves.

Malgré les craintes de violences, « le scrutin s’est déroulé dans la transparence, dans la sécurité, le calme et la tranquillité », a abondé le chef des observateurs de l’Union africaine, Augustin Matata Ponyo.

Les deux organisations africaines ont lancé un « appel aux candidats à respecter les résultats issus des urnes », les exhortant à « recourir aux voies légales pour le règlement de tout contentieux électoral ».

L’issue de l’élection à laquelle concouraient 12 candidats devrait se jouer entre M. Condé et M. Diallo.

 

 Peur du « vol »

 

La présidentielle de dimanche s’est déroulée dans un climat de vives tensions faisant craindre une éruption de violences.

Le vote lui-même a eu lieu dans le calme. Mais il a été précédé par des mois de tensions meurtrières et une campagne acrimonieuse au cours de laquelle personne n’a donné l’impression d’être prêt à accepter une défaite.

La Guinée est coutumière de voir le sang couler au moment des élections et dans les périodes de confrontation politique. Les mois derniers, les manifestations de l’opposition contre un troisième mandat de M. Condé ont été durement réprimées. Il y a eu des dizaines de morts civils, opposition et autorités divergeant sur les chiffres et les responsabilités.

M. Diallo et son parti se sont constamment dits inquiets que M. Condé ne leur « vole » la victoire en trichant, comme cela fut le cas, selon eux, aux présidentielles de 2010 et 2015. Leur méfiance totale a été avivée par la modification de la Constitution à laquelle M. Condé a fait procéder en mars pour, dit-il, moderniser le pays.

Lui et son camp ont invoqué cette nouvelle Constitution pour justifier sa candidature à un troisième mandat, alors que le nombre en est limité à deux. Ils ont fait valoir que les compteurs ont été remis à zéro.

Un second tour, s’il doit avoir lieu, est programmé le 24 novembre.

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