L’Ukraine en guerre s’apprête à élire un Parlement prooccidental
Les législatives du 26 octobre en Ukraine devraient donner aux forces prooccidentales une majorité sans précédent, dont le président Petro Porocheko espère profiter pour consolider son pouvoir et ramener la paix dans l’Est séparatiste.
"Les principaux sujets de ces élections, ce sont la guerre et la paix", résume Volodymyr Fessenko, politologue et directeur du centre Penta à Kiev.
M. Porochenko avait été élu en mai dès le premier tour, avec près de 55% des voix sur la promesse de ramener la paix dans l’Est et de normaliser les relations avec la Russie.
Cinq mois plus tard, un processus de paix a été amorcé avec les accords de Minsk qui ont abouti à un apaisement. Mais l’instauration d’un cessez-le-feu le 5 septembre n’a pas permis un arrêt complet des hostilités, dont le bilan dépasse 3.700 morts, selon l’ONU. Cette accalmie a un goût amer pour Kiev qui voit s’installer la perte de contrôle d’une partie du Donbass industriel et russophone, en plus de la Crimée rattachée à la Russie au printemps.
M. Porochenko "est confronté à une scepticisme croissant concernant le processus de paix", ont souligné les experts du centre EurasiaGroup.
En annonçant la dissolution de la Rada, le président a expliqué qu’il ne pouvait pas gouverner avec une assemblée qui a soutenu son prédécesseur, le prorusse Viktor Ianoukovitch, lorsque ce dernier a tourné le dos au rapprochement avec l’Union européenne et réprimé la contestation qui a fini par le faire chuter.
Il a reproché également à une partie des 450 députés élus en 2012 de soutenir les rebelles séparatistes, appuyés matériellement et militairement selon Kiev et les Occidentaux par Moscou.
– Mutation colossale –
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"Après les législatives, les chances de rétablir une paix solide dans l’est de l’Ukraine vont se renforcer", avance le politologue Vadim Karassev, de l’Institut des Stratégies internationales à Kiev. "Petro Porochenko disposera d’un soutien plus fort au Parlement et sera moins limité pour se mettre d’accord avec les dirigeants russes".
Les sondages indiquent que les forces prooccidentales mobilisées sur le Maïdan à Kiev l’hiver dernier se tailleront la part du lion dans l’assemblée. Mais elles partent divisées, avec des listes hétéroclites composées notamment de jeunes de la société civile et de combattants revenus de l’Est, et devront donc se partager le pouvoir.
Le Bloc Petro Porochenko du président est crédité de 33,5% par une enquête publiée le 13 octobre par l’institut Ratinggroup (réalisé début octobre auprès de 2.000 personnes). Il devance le Parti radical du populiste Oleg Liachko (12,8%) et le Front populaire du Premier ministre Arseni Iatseniouk (8,9%).
La formation de l’ex-Première ministre Ioulia Timochenko se trouve distancée avec 6,9%.
Le Parti des régions de l’ex-président Viktor Ianoukovitch boycottant le scrutin, plusieurs figures de ses gouvernements ont présenté des listes, notamment Ukraine forte (7,8%) ou le Bloc d’Opposition (5,1%).
Ces forces, populaires traditionnellement auprès de l’électorat russophone, se trouvent d’autant plus marginalisées qu’une partie de leurs électeurs ne pourra pas voter, en Crimée ou dans le Donbass.
Les séparatistes de l’Est boycottent les législatives et comptent organiser leurs propres élections le 2 novembre.
"Pour la première fois depuis l’indépendance, une majorité électorale proeuropéenne s’est formée dans tout le pays", relève M. Karassev, qui parle d’une "mutation colossale". "Le futur Parlement va refléter les intérêts d’une nouvelle nation ukrainienne proeuropéenne, et non d’un pays divisé entre l’Est et l’Ouest, entre l’Europe et la Russie".
Plusieurs formations très symboliques risquent de ne pas être représentées, n’atteignant pas les 5%: le Parti communiste, cible d’une hostilité croissante pour son soutien aux séparatistes, et de l’autre côté du spectre politique les partis nationalistes Svoboda et Pravy Sektor, très mobilisés sur le Maïdan.
Une fois les législatives passées, la première tâche du chef de l’Etat sera de constituer une coalition solide capable d’adopter une nouvelle Constitution et les difficiles mesures de rigueur exigées par les bailleurs de fonds internationaux de l’Ukraine, Fonds monétaire international et Bruxelles en tête.
"Le plus important, c’est la paix, le reste viendra après", tranche à Kiev une électrice de 57 ans, Tetiana Mykolaïvna.