Le président des Etats-Unis a déclaré s’être entretenu "au plus haut niveau" avec les Saoudiens, et ce "plus d’une fois", au sujet de Jamal Khashoggi, qui n’a plus donné signe de vie depuis qu’il est entré dans le consulat saoudien d’Istanbul le 2 octobre.
"Nous sommes très déçus de voir ce qui se passe. Nous n’aimons pas ça" et "nous voulons savoir ce qu’il se passe là-bas", a-t-il assuré.
La Maison Blanche a précisé que deux des plus proches conseillers du président, son gendre Jared Kushner et le responsable du conseil de sécurité nationale John Bolton, avaient parlé mardi au prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, avant un nouvel appel du chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo pour "réitérer" les demandes de Washington: "des détails" sur la disparition et "la transparence du gouvernement saoudien concernant l’enquête".
Interrogé sur la réponse de Ryad à ces requêtes, le département d’Etat américain s’est réfugié derrière des "conversations diplomatiques privées", prenant soin de ne pas condamner frontalement les autorités saoudiennes à ce stade.
Donald Trump a également dit être en contact avec la fiancée du journaliste, Hatice Cengiz, qui avait demandé son aide et celle de son épouse Melania pour "faire la lumière" sur cette affaire, le royaume sunnite étant l’un des plus proches alliés des Etats-Unis.
"Pas d’informations à l’avance"
Selon le Washington Post, les services de renseignement américains avaient intercepté, avant sa disparition, des communications entre responsables saoudiens évoquant son enlèvement.
"Les Etats-Unis n’avaient pas d’informations à l’avance sur la disparition de Jamal Khashoggi", ou sur d’éventuelles menaces, a répondu mercredi un porte-parole du département d’Etat américain, Robert Palladino.
Selon la police turque, Jamal Khashoggi n’est jamais ressorti de la mission diplomatique, et des sources proches de l’enquête ont affirmé durant le week-end qu’il y avait été assassiné. Mais certains médias ont évoqué mardi la possibilité qu’il ait été enlevé et emmené en Arabie saoudite.
Ryad a de son côté fermement démenti la thèse de l’assassinat, assurant qu’il avait bien quitté le consulat.
D’après des images de vidéosurveillance diffusées mercredi par des télévisions turques, ce journaliste critique du pouvoir de Ryad, qui écrit notamment pour le Washington Post, est entré le 2 octobre à 13H14 dans le consulat, où il avait rendez-vous pour des démarches administratives.
D’autres images montrent un van entrer dans le consulat puis en ressortir et se rendre à 15H08, selon la chaîne 24 TV, à la résidence du consul toute proche.
La police turque avait révélé samedi qu’un groupe de 15 Saoudiens avait fait l’aller-retour à Istanbul et au consulat le jour de la disparition.
24 TV et d’autres chaînes ont aussi diffusé des images qu’elles affirment être celles des membres de ce groupe arrivant à l’aéroport de la métropole turque puis à leur hôtel. Selon ces sources, ils ont quitté l’hôtel dans la matinée pour se rendre au consulat puis sont repartis dans la soirée.
"Equipe d’assassinat"
Mercredi, le quotidien progouvernemental Sabah a publié le nom, l’âge et les photographies de quinze hommes présentés comme l’"équipe d’assassinat" dépêchée par Ryad. L’un d’eux, Salah Muhammed Al-Tubaigy, a la même identité qu’un lieutenant-colonel du département saoudien de médecine légale.
Les autorités turques ont obtenu mardi l’autorisation de fouiller le consulat saoudien, mais cette fouille n’a pas encore eu lieu.
Le journaliste saoudien s’était exilé en 2017 aux États-Unis, après être tombé en disgrâce à la cour du puissant Mohammed ben Salmane, surnommé "MBS".
Dans une interview réalisée par la BBC trois jours avant sa disparition, Jamal Khashoggi affirmait ne pas avoir l’intention de revenir dans son pays, de crainte d’y être arrêté.
Une vingtaine de manifestants ont réclamé la vérité mercredi devant l’ambassade saoudienne à Washington, brandissant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire "Khashoggi: une autre victime de la violence saoudienne".
Déplorant une réaction américaine timorée, Sarah Margon, de l’organisation Human Rights Watch, estime que Washington "dispose des outils pour répondre rapidement, c’est une question de volonté politique".
Reporters sans frontières appelle de son côté à une "enquête internationale indépendante", soulignant que plus de 15 journalistes et blogueurs saoudiens ont été arrêtés "dans la plus grande opacité" depuis un an.