Un attentat avec un drone? Une menace plausible mais pas encore d’actualité
Une bombe transportée par un drone téléguidé par des jihadistes explose dans une rue de Paris faisant des dizaines de morts. Surréaliste? Pas vraiment. Loin d’être farfelu, ce scénario inquiète les spécialistes et responsables de la lutte antiterroriste interrogés par l’AFP.
Un homme isolé ouvrant le feu comme Mohamed Merah? Une bombe dans un RER, ou dans un endroit plus stratégique? Une attaque chimique? Les scenarii sont légion.
L’hypothèse de l’attaque ou de l’assassinat ciblé d’une personnalité avec un drone "fait partie des choses sur lesquelles les services de sécurité travaillent", assure un haut fonctionnaire policier sous couvert d’anonymat. "C’est le travail des policiers spécialisés dans l’antiterrorisme de ne pas être pris au dépourvu, d’envisager tout ce qui est possible", explique-t-il.
Pour l’heure, aucun attentat perpétré avec un drone n’a été recensé dans le monde. Mais quelques événements a priori anodins ont crispé des policiers spécialisés dans la protection rapprochée.
Un drone a ainsi survolé mercredi le stade où se jouait le match Serbie-Albanie. Le petit engin volant sans pilote véhiculait un drapeau de la "Grande Albanie", projet nationaliste visant à regrouper dans un même Etat les communautés albanaises des Balkans. Résultat: une bagarre générale et un scandale politico-sportif.
Il y a un an déjà, en septembre 2013, un drone s’était posé à deux mètres de la chancelière allemande Angela Merkel lors d’un meeting de campagne à Dresde.
– ‘Pour l’instant on tâtonne’ –
Piloté par des représentants du parti des Pirates, qui souhaitaient simplement par cette action dénoncer l’ultrasurveillance policière, ce drone n’était équipé que d’une mini-caméra et ne représentait au final aucun danger. "C’est simple, vous imaginez ce même drone, qui s’est posé à côté de la chancelière, avec un pain d’explosif et un système de mise à feu télécommandé à distance, et vous avez une vision assez claire du problème", s’alarme ce haut fonctionnaire.
Les services chargés de la protection de la chancelière n’ont rien pu faire pour l’intercepter avant. "Et pour cause, un drone, par nature, est extrêmement difficile à détecter. Et la plupart du temps, quand vous l’avez en visu, c’est déjà trop tard", assure un commissaire qui a également souhaité garder l’anonymat.
Les drones militaires armés sont assez grands, particulièrement visibles, difficiles à piloter, "et cela semble quasiment impossible pour des jihadistes de s’en approprier un", explique le commissaire. En revanche, des drones civils que l’on peut se procurer dans le commerce possèdent des capacités d’emport pouvant supporter une charge explosive de 1 à 2 kg. "Et ça peut déjà faire des dégâts."
Le risque existe donc, même s’il n’est pas forcément immédiat. "En fait, la capacité d’intervention tactique d’un drone n’est pas encore possédée par le profil des gens dans la mouvance jihadiste", affirme le criminologue Christophe Naudin. "Mais ils vont vite apprendre", ajoute-t-il
Selon lui, une telle attaque sera possible d’ici quelques années, peut-être "vers 2020". "Dans l’histoire, chaque innovation technologique a été détournée pour une utilisation criminelle, les drones n’y échapperont pas", assure ce criminologue qui conclut: "C’est un risque très crédible et sa prise en compte n’est pas maîtrisée."
Face à cette nouvelle menace, en effet, aucun système de défense ne semble parfait. "Vous ne pouvez pas descendre un drone qui survole une foule, c’est bien trop risqué", explique le haut fonctionnaire policier, "il faut trouver des parades, et pour l’instant, on tâtonne".