Sous le feu des critiques occidentales, Poutine en marche vers un quatrième mandat

La Russie vote dimanche pour, sauf énorme surprise, réélire Vladimir Poutine président après une campagne sans suspense visant surtout à assurer une participation satisfaisante, qui s’achève dans un climat de tensions extrêmes avec les Occidentaux.

Les sanctions britanniques en réaction à l’empoisonnement de l’ex-agent double Sergueï Skripal en Angleterre ont renforcé l’impression de nouvelle Guerre froide qui s’est installée depuis le retour de Vladimir Poutine au Kremlin en 2012, sur fond de conflit syrien, de crise ukrainienne et d’accusation d’ingérence dans la présidentielle américaine.

Pendant qu’à Londres Theresa May jugeait "tragique" la "voie" prise par le président russe, ce dernier finissait sa campagne a minima mercredi par une visite en Crimée, la péninsule ukrainienne qui connaîtra dimanche sa première présidentielle russe quatre ans jour pour jour après son annexion par Moscou.

"Par votre décision, vous avez rétabli la justice historique, qui avait été rompue à l’époque soviétique", a déclaré mercredi M. Poutine devant ses partisans réunis à Sébastopol pour un concert de soutien. "Vous avez montré au monde entier ce que c’est une vraie et non pas une fausse démocratie."

A 65 ans, dont 18 ans à la tête de la Russie, le président affiche la plus forte longévité au pouvoir pour un dirigeant russe ou soviétique depuis Joseph Staline. Il se prépare à un quatrième mandat confortable sur le plan domestique.

De la péninsule du Kamtchatka à l’est jusqu’à l’enclave de Kaliningrad à l’ouest, les 107 millions d’électeurs de l’immense pays aux onze fuseaux horaires commenceront à voter à 08H00 locales soit, pour les premiers bureaux de vote de l’est du pays, samedi soir à 20H00 GMT. Les derniers bureaux fermeront dimanche à 18H00 GMT.

Dans les régions très isolées, les premiers votes ont déjà eu lieu puisque des urnes ont été apportées aux nomades Nenets dans l’Arctique.

L’élection présente peu de suspense. Le dernier sondage de l’institut public VTsIOM donne à Vladimir Poutine 69% des intentions de vote. Le deuxième, le candidat du Parti communiste Pavel Groudinine, est crédité de 7-8% et le troisième, l’ultra-nationaliste Vladimir Jirinovski, de 5-6%, les cinq autres candidats se contentant de scores négligeables.

"La concurrence n’est pas suffisante", insiste auprès de l’AFP Andreï Bouzine, co-président du mouvement spécialisé dans la défense des droits des électeurs Golos, pour qui "tout le spectre politique russe n’est pas représenté".

Le grand absent de l’élection présidentielle est l’opposant numéro un au Kremlin, Alexeï Navalny, seul à même de mobiliser des dizaines de milliers de personnes contre le pouvoir mais interdit de participation en raison d’une condamnation judiciaire qu’il dénonce comme montée de toutes pièces.

Assuré de la réélection de Vladimir Poutine, le Kremlin fait tout pour que la participation, seul véritable baromètre de cette élection, soit aussi forte que possible dimanche. Depuis le début de la campagne, les médias résument l’objectif du Kremlin par la formule "70-70": 70% de participation, 70% de votes pour Poutine.

Pour cela, tous les moyens sont bons. Le journal indépendant Novaïa Gazeta cite des étudiants de plusieurs villes de Russie, forcés de s’inscrire sur les listes électorales sous peine de "problèmes aux examens ou même d’exclusion".

Dans d’autres villes, l’ouverture des bureaux de vote a été avancée pour permettre aux ouvriers de voter avant de prendre leur poste.

En février, le quotidien RBK, citant trois sources au sein de l’administration présidentielle, évoquait un projet gouvernemental particulièrement rodé pour inciter fonctionnaires et ouvriers des grandes industries à voter. Selon les deux journaux, aucune consigne de vote n’est en revanche donnée.

"Cette campagne électorale est différente des précédentes, d’abord parce qu’il est clair que tout en haut, la décision d’éviter les fraudes a été prise", confirme Andreï Bouzine, qui dit ne pas s’attendre aux "fraudes massives vues en 2007 et 2011".

Pas moins de 40.000 caméras de vidéo-surveillance seront déployées dans les bureaux de vote pour éviter les fraudes, souligne-t-il, précisant tout de même que si cette mesure concernera les gros bureaux, "on ne sait pas ce qui se passera dans les petits".

Presque 1.400 observateurs étrangers ont été accrédités, selon la commission électorale.

Malgré les efforts du Kremlin, les estimations de la participation restent pourtant en-deçà des attentes. Selon Stepan Gontcharov, du centre de sondage indépendant Levada, la participation devrait être "de 57-58% à 67-68%, c’est à dire équivalente à la dernière élection", tandis que VTsIOM la situe entre 63 et 67%.

Interviewé par la chaîne américaine NBC, Vladimir Poutine disait la semaine dernière ne pas vouloir modifier la constitution pour s’accrocher au pouvoir. Ce quatrième mandat serait alors son dernier, beaucoup d’experts pensant que le président russe s’y consacrera notamment à désigner, et préparer, son successeur. (afp)

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