Référendum en Algérie: une nouvelle Constitution pour enterrer le « Hirak »

Les Algériens ont voté au compte-gouttes dimanche, disant s’être prononcés pour un « changement » et une « nouvelle Algérie » lors d’un référendum sur une révision de la Constitution, tandis que les partisans d’un boycott ont décrié une opération de vote viciée.

Les Algériens se prononcent une révision constitutionnelle censée fonder une « Algérie nouvelle » et tourner la page du soulèvement populaire du « Hirak », à l’occasion d’un référendum qui se tient en l’absence de son initiateur, le président Abdelmadjid Tebboune, hospitalisé à l’étranger.

Les 61.000 bureaux de vote doivent fermer à 19H00 (18H00 GMT).

La victoire du « oui » ne fait guère de doute tant la campagne électorale, qui a laissé la population largement indifférente, a été à sens unique.

Les opposants n’ont pas été autorisés à tenir de meetings publics. Les partisans du « Hirak », mouvement antirégime inédit et pacifique, ont prôné le boycott tandis que les islamistes ont appelé à voter « non ».

Le seul enjeu est le taux de participation, qui semble d’ores et déjà très faible. Il atteignait 13,03% à 14 heures, a indiqué Mohamed Charfi, président de l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE).

Lors de l’élection présidentielle de décembre 2019, il s’est établi à 39,93 %, soit le taux le plus faible de toutes les élections présidentielles pluralistes de l’histoire de l’Algérie, faisant de M. Tebboune un président mal élu et donc en quête de légitimité.

A Alger, où l’on vote généralement à la mi-journée, les électeurs se sont fait rares, selon des journalistes de l’AFP.

« Aujourd’hui j’ai voté, j’ai voté pour l’Algérie nouvelle, j’ai voté pour que les pratiques anciennes soient révolues à jamais », a déclaré à l’AFP Mahrez Lamari.

En raison de la pandémie, l’accès dans les bureaux est limité à deux ou trois personnes à la fois et il est obligatoire de porter un masque.

Tebboune absent

« Le peuple algérien sera, une fois encore, au rendez-vous avec l’histoire pour opérer le changement escompté, dimanche 1er novembre, en vue d’instituer une nouvelle ère à même de réaliser les aspirations de notre peuple à un Etat fort, moderne et démocratique », a assuré M. Tebboune dans un message relayé samedi soir par l’agence officielle APS.

La date du référendum n’a pas été choisie par hasard: le 1er novembre marque l’anniversaire du début de la Guerre d’indépendance contre la puissance coloniale française (1954-1962).

M. Tebboune, 74 ans, a été transféré mercredi en Allemagne pour des « examens médicaux approfondis » après l’annonce de cas suspects de coronavirus dans son entourage. Son état est « stable et non préoccupant », selon la présidence.

Son épouse a voté pour lui par procuration dans une école d’Alger.

Les réseaux sociaux ont fait état d’incidents –marches nocturnes, urnes et bulletins détruits– en Kabylie. De nombreux bureaux de vote n’ont pas ouvert dans cette région traditionnellement frondeuse, selon des médias locaux.

« Changement de façade »

M. Tebboune a fait de la révision de la Constitution, la énième depuis l’accession à l’indépendance en 1962, son projet phare et a tendu la main aux manifestants du « Hirak populaire authentique béni ».

Mais les « hirakistes » ont rejeté « sur le fond et la forme » une initiative perçue comme un « changement de façade », incitant au boycott du référendum.

Ils réclament depuis février 2019 un profond changement du « système » en place depuis l’indépendance. En vain jusqu’à présent, même si le mouvement a poussé Abdelaziz Bouteflika à la démission en avril 2019 après vingt ans de règne.

De fait, la nouvelle Constitution met en avant une série de droits et de libertés mais n’offre pas de changement politique majeur: elle maintient l’essentiel d’un régime « ultra présidentialiste » et élargit même les prérogatives de l’armée.

« C’est pour la démocratie qu’on s’est levés, pas pour un énième régime présidentiel arabe », explique à l’AFP Ghalem, enseignant de 40 ans à Sidi Bel Abbès (nord-ouest).

Mais le scrutin constitue un défi pour un Hirak affaibli par une campagne de répression qualifiée d' »implacable » par Amnesty International, et par l’interruption forcée des manifestations en raison de la crise sanitaire du coronavirus.

Quelque 90 personnes (activistes, blogueurs, journalistes)sont derrière les barreaux, la plupart pour des publications sur Facebook, selon le Comité national pour la libération des détenus.

« La répression en cours vise aussi à empêcher que le scrutin ne subisse un nouveau boycott massif car cela décrédibiliserait les incantations sur +l’Algérie nouvelle+ », analyse le journaliste algérien Akram Belkaïd sur son blog.

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