Les Afghans aux urnes pour une présidentielle à risques

Les Afghans votaient samedi pour choisir leur président, dans un scrutin se tenant sous la triple menace de la fraude, de l’abstention et des attentats, avec au moins un mort et 16 blessés à la mi-journée.

L’élection se déroule alors que les pourparlers entre Américains et talibans sont au point mort, rendant toujours aussi lointaine la perspective d’un dialogue inter-afghan (entre gouvernement et insurgés) pour arriver à la paix.

Les talibans ont multiplié les avertissements aux quelque 9,6 millions d’électeurs pour les dissuader de participer au scrutin. Ils ont expliqué jeudi que leurs moudjahidines viseront "les bureaux et les centres (de vote) accueillant ce spectacle".

Malgré celà le bilan à la mi-journée restait relativement limité. Un attentat près d’un bureau de vote de Kandahar (Sud)a fait 16 blessés dans la matinée, et un autre à Jalalabad (Est), a fait un mort et deux blessés. Plusieurs autres attaques à la grenade ou à la bombe, qui n’ont pas fait de victime, ont été signalées par des responsables locaux.

Le ministère de l’Intérieur a annoncé le déploiement de 72.000 hommes pour garder les près de 5.000 bureaux de vote du pays, qui ont ouvert leurs portes à 07H00 (02H30 GMT) et devraient les fermer à 15H00. Il a interdit par ailleurs depuis mercredi soir l’accès à la capitale à tous les camions et camionnettes, par peur des attentats aux véhicules piégés.

"Je sais qu’il y a des menaces, mais les bombes et les attaques font partie de notre quotidien", a raconté à l’AFP Mohiuddin, un électeur de 55 ans à Kaboul. "Je n’ai pas peur, nous devons voter si nous voulons pouvoir changer notre vie", a-t-il affirmé.

La campagne électorale a démarré fin juillet par un attentat qui a fait 20 morts. Plus de cent autres personnes ont péri dans des attaques revendiquées par les talibans depuis.

Quatrième présidentielle

C’est la quatrième élection présidentielle dans l’histoire du pays. La première s’était tenue en 2004.

Le scrutin rassemble 18 candidats à un mandat de cinq ans. Il oppose surtout deux favoris, l’actuel chef de l’Etat Ashraf Ghani et son chef de l’exécutif Abdullah Abdullah.

Après avoir voté le chef de l’Etat a déclaré que cette élection permettrait "d’aller vers la paix avec une vraie légitimité".

M. Ghani espère une réélection qui ferait de lui un interlocuteur incontournable pour négocier avec les talibans. Ces derniers, qui le qualifient de "marionnette", lui ont nié jusqu’ici toute légitimité.

Ashraf Ghani et Abdullah Abdullah s’affrontaient déjà en 2014, dans une élection marquée par des irrégularités si graves que les Etats-Unis avaient imposé par leur médiation la création du poste de M. Abdullah, réputé arrivé second.

Les autorités afghanes ont assuré avoir pris toutes les mesures pour éviter la fraude, en déployant notamment une batterie de moyens techniques, dont des lecteurs biométriques. Les résultats préliminaires sont attendus le 19 octobre et les définitifs le 7 novembre.

"Je suis préoccupé par la transparence du vote, et ce qui m’inquiète le plus est de savoir si les candidats accepteront ou pas le résultat des élections", a dit à l’AFP Sayed Noor Hamad, 31 ans, un employé dans une école de la capitale.

Plusieurs témoignages d’électeurs recueillis en province ont fait état d’incidents techniques, avec des lecteurs biométriques défectueux ou des registres d’inscrits incomplets.

"Je me suis enregistré pour voter et je suis arrivé tôt au bureau de vote, mais malheureusement mon nom n’était pas sur la liste", a dit à l’AFP Ziyarat Khan, un fermier dans la province de Nangahar (Est).

La première inconnue sera l’ampleur de l’abstention. Si ce n’est pas la crainte des attentats ou de la fraude qui les tiennent à l’écart des urnes, bon nombre d’électeurs devraient rester chez eux, ayant perdu tout espoir que leurs dirigeants améliorent leurs conditions d’existence.

Le futur chef de l’Etat prendra la tête d’un pays en guerre, où 55 % de la population vivait avec moins de deux dollars par jour en 2017, et où le conflit avec les insurgés a tué plus de 1.300 civils au premier semestre 2019, selon l’ONU.

Le vote de samedi a longtemps paru pris en otage par les récents pourparlers entre les Etats-Unis et les talibans sur un retrait des troupes américaines.

Donald Trump y a brutalement mis fin début septembre, alors qu’un accord semblait imminent. Nombre d’observateurs anticipaient que l’élection serait suspendue pour laisser la place à l’application du plan de retrait.

Ce dernier, négocié sans le gouvernement de M. Ghani, prévoyait l’ouverture d’un dialogue inter-afghan.

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