La prison en dernier recours : Macron dévoile une révolution des peines

Passer d’un système axé sur la prison à une justice qui privilégie d’autres sanctions et que les peines soient réellement et immédiatement appliquées: tels sont les principes de la "refondation" pénale que doit annoncer mardi à Agen Emmanuel Macron.

L’objectif est non seulement de rendre les peines plus efficaces mais aussi de lutter contre la surpopulation carcérale. Avec un taux d’occupation de 200 % en région parisienne et de 120 % au niveau national, la France figure parmi les pires élèves d’Europe. Au 1er janvier 2018, 68.974 détenus s’entassaient dans 59.765 places.

Reprenant un des engagements forts de sa campagne, Emmanuel Macron a déjà annoncé ces derniers mois vouloir à la fois qu’une peine de prison prononcée soit réellement exécutée et développer de manière "massive" les peines alternatives. Comme une troisième voie entre une gauche taxée de "laxisme" et une droite dite "répressive".

Mardi après-midi, devant l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire (ENAP) où il est arrivé avec la garde des Sceaux Nicole Belloubet, il présentera sa vision d’une justice qui abandonne la préférence carcérale pour d’autres "punitions", en partie inspirée des pays du nord de l’Europe.

Parmi les annonces fortes attendues mardi, il pourrait écarter l’option de la prison pour les peines les plus courtes et élargir l’éventail des autres peines (bracelet électronique, travaux d’intérêt général) et des formules de probation (mise à l’épreuve).

Ces solutions existent déjà mais restent peu utilisées : en 2016, sur les quelque 550.000 délits sanctionnés, les tribunaux ont prononcé 52 % de peines de prisons (dont 19 % ferme) et 11 % de peines alternatives dont moins de 3 % de travaux d’intérêt général.

Trois détenus dans 9 m2

Il souhaite qu’au tribunal, le juge favorise des peines alternatives plus variées et s’assure de leur exécution immédiate, plutôt que de laisser ce rôle au juge d’application des peines.

Il veut également réduire les délais, qui peuvent atteindre des mois voire des années, entre le prononcé d’une peine et son application. Autre piste, une libération automatique aux deux-tiers de la peine sauf avis contraire du juge.
En revanche, il veut qu’une peine de prison prononcée soit effectivement et aussitôt exécutée.

"L’emprisonnement ne sera plus la peine centrale", résume la présidence. "Mais est-il souhaitable que, quand on prononce une peine d’emprisonnement, elle soit dans un second temps, par un autre juge, transformée en autre chose ? Non. C’est cela qui est remis en cause".

Le chef de l’Etat devrait donc revenir sur la loi qui depuis 2009 prévoit d’aménager les peines de prison inférieures à deux ans pour les primo-délinquants.

Il devrait aussi détailler sa promesse d’accroître de 15.000 les places de prisons et le "plan pénitentiaire" annoncé mi-janvier alors que de nombreux établissements étaient en partie bloquées par les surveillants, en colère après une série d’agressions.

Le président a décidé de se saisir personnellement de la question de la peine un jour avant la présentation par Nicole Belloubet des cinq chantiers prioritaires de la Chancellerie, avec la transformation numérique, la simplification des procédures pénale et civile et l’organisation territoriale des tribunaux.

Ces chantiers déboucheront sur une loi de programmation de la justice début avril.

Si les gardiens de prison ont déjà obtenu fin janvier 30 millions d’euros de revalorisation indemnitaire et la création de quartiers spécifiques pour les détenus radicalisés, les attentes restent immenses face au mal chronique de la détention, la surpopulation.

Emmanuel Macron l’a vu vendredi à Fresnes (Val-de-Marne): une cellule de 9m2 avec trois lits, un surveillant pour gérer 100 détenus sur une coursive, un bâtiment vétuste attirant rats et punaises de lit.

La contrôleuse générale des prisons, Adeline Hazan, plaide pour un traitement différent des malades et des "fous" – elle estimait en 2017 que 17.000 détenus auraient dû se trouver à l’hôpital plutôt qu’en prison – et un recours moindre à la détention provisoire – en 2016, le nombre de ces détenus en attente de jugement, donc "présumés innocents", a pour la première fois dépassé le seuil des 20.000.

Les avocats d’Agen ont perturbé mardi matin la session d’assises en lisant symboliquement une motion de défense de la justice de proximité. Une délégation d’avocats et de magistrats devait être reçue en début de soirée par des collaborateurs de M. Macron et de Mme Belloubet afin de discuter de la réforme de la carte judiciaire.

Des militants syndicaux, membres de la France insoumise, motards et citoyens "en colère", 60 à 80 au total, s’étaient rassemblés sous une pluie battante non loin de l’ENAP pour protester contre la venue du chef de l’Etat, sans incident. (afp)

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite