La France ou la Kanaky, la Nouvelle-Calédonie fait son choix

La France ou la Kanaky ? Les bureaux de vote de Nouvelle-Calédonie, petit territoire stratégique de 270.000 habitants dans le Pacifique, ont ouvert dimanche pour un référendum historique sur l’indépendance, où les sondages prédisent la victoire du non.

Près de 175.000 électeurs de cet archipel français, colonisé en 1853 et disposant d’importantes réserves de nickel, ont jusqu’à 18H00 (08H00 à Paris) pour se rendre dans l’un des 284 bureaux de vote et dire s’ils veulent "que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante".

Ce référendum, qui vient ponctuer 30 ans de décolonisation progressive, est attentivement surveillé par Paris, à 18.000 km de là. Emmanuel Macron s’exprimera à la télévision à 13H00 dimanche (23H00 heures locales) à l’issue de la proclamation du résultat.

Pour rendre ce scrutin incontestable, 250 délégués dépêchés par l’Etat, et des observateurs de l’ONU seront présents dans les bureaux.

Dans celui de l’école Candide Koch, dans le quartier de la Vallée des colons à Nouméa, près d’une trentaine de personnes attendaient déjà pour voter, un quart d’heure avant l’ouverture, a constaté l’AFP.

Cette consultation, prévue par l’accord de Nouméa signé en 1998, est destinée à poursuivre le travail de réconciliation entre Kanak, peuple autochtone du territoire, et Caldoches, population d’origine européenne, entamé avec les accords de Matignon en 1988. Ces derniers avaient été signés après les violences des années 1980 qui avaient culminé avec la prise d’otages et l’assaut de la grotte d’Ouvéa en mai 1988, faisant au total 25 morts.

Pour le Premier ministre Edouard Philippe, qui arrive sur le Caillou dès le lendemain du scrutin, ce référendum marque "le début de la Nouvelle-Calédonie qui veut construire un avenir".

A la veille du scrutin, Nouméa et ses alentours, qui concentrent les deux tiers de la population, étaient restés particulièrement calme.

"Campagne très calme"

Si dans les provinces du Nord et des Iles loyauté, à majorité kanak, les partisans de l’indépendance ont pavoisé de leur drapeau routes et arbres, les pro-France affichent peu le fanion bleu-blanc-rouge.

Xavier Moutier, jeune Caldoche de 19 ans venu de Bourail (ouest), a exhibé le sien sur son pick-up. "Ils se gênent pas pour mettre leur drapeau kanak, il faut qu’on montre le nôtre, pour dire qu’on ne se laissera pas marcher dessus", dit-il.

"C’est un événement historique que tout le monde a souhaité, mais paradoxalement, l’enjeu a perdu de son intensité", note Pierre-Christophe Pantz, docteur en géopolitique. "La campagne a été très calme, le référendum ne suscite pas d’engouement, les enjeux se sont banalisés", notamment parce que "les Calédoniens pensent que cela ne va pas changer leur quotidien", mais aussi parce que les sondages prédisent une large victoire du non, dans une fourchette de 63 à 75 %.

Pour Paul Fizin, docteur en histoire, "si le taux d’abstention est fort, il mettra en évidence que le projet indépendantiste n’a pas irrigué dans toute la société".

Inégalités criantes

Soumynie Mene, militante indépendantiste de 38 ans, juge "dommage que la population ne se sente pas concernée par un référendum qu’on prépare depuis 30 ans", estimant qu’il est pourtant "temps de tourner la page de la colonisation".

En cas de victoire du oui, le FLNKS a souligné qu’il ne souhaitait pas une rupture avec la France, mais une indépendance en partenariat avec la France.

Trois partis loyalistes, très divisés, défendent le maintien dans la France, Calédonie ensemble (droite modérée), le Rassemblement LR et les Républicains calédoniens. Ils mettent en avant la protection de la France et les 1,3 milliard d’euros d’aides annuelles de la France. Ils espèrent que ce premier référendum sera aussi le dernier alors que l’accord de Nouméa prévoit la possibilité de deux autres consultations dans les quatre ans.

Pour Paul Fizin, en dépit de trente années de rééquilibrage économique et social en faveur du peuple premier, les inégalités restent criantes. Echec scolaire, chômage élevé, habitat précaire… "il y a encore des problèmes d’intégration et un sentiment d’injustice prégnant dans la société kanak", dit-il.

Une partie de la jeunesse kanak, marginalisée, a sombré dans la délinquance. Les deux camps craignent leur réaction si le non l’emporte. La vente d’alcool dans les commerces a été interdite ce week-end, les effectifs de gendarmerie ont été renforcés et la prison de Nouméa, a renforcé sa capacité d’accueil.

Les états-majors politiques ont recommandé la discrétion à leurs militants. Mais rien ne dit que certains pro-français n’iront pas fêter ostensiblement leur victoire annoncée.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite