Haine, drogue et politique entre Rabat et Alger

Le thermomètre des relations entre Rabat et Alger a brusquement pris un coup de chaud ces derniers temps. Ce fut lorsque le ministère de l’Intérieur marocain décida de répondre aux accusations permanentes qu’adresse l’Algérie au Maroc de déverser sur elle une grande partie de sa production de haschisch. La réponse marocaine fut solennelle et la posture combative. Devant cette logique d’accusation systématique du Maroc en provenance d’Alger, Rabat contre-attaque en dévoilant pour le grand public et sans doute pour la première fois avec autant de détails, le fructueux commerce de psychotropes dont Alger est devenue le grand pays producteur et dealer dans la région.

Par Mustapha Tossa

Passé le petit plaisir pris par les éditorialistes qui ont opposée dans une facilité enfumée haschish marocain contre psychotropes algériens, cet épisode traduit une grande détérioration des relations entre Rabat et Alger. Une révélation du ministère marocain de l’intérieur est presque passée inaperçue dans le brouhaha des chiffres d’hectares cultives et de comprimés hallucinogènes produits, c’est que le deux pays ne communiquent pas entre eux. Ils en sont à le faire par voie de communiqués ravageurs et de conférences de presse accusatrices.

Il faut dire que l’espoir d’une amélioration historique des relations entre marocains et algériens s’est évaporé avec la victoire des laudateurs d’un quatrième mandat de Abdelaziz Bouteflika. Avec la réélection du président algérien sur un fauteuil roulant médicalisé, c’est la permanence d’un système, plus que d’un homme, qui a été assurée. Ce même système qui a démontré au fil des années qu’il possédait dans son ADN cette particularité que la psychologie politique ne parvient pas à expliquer : l’obsession marocaine.

Pour ce système incarné par des réseaux galonnés qui sentent plus le comportement mafieux que l’honneur militaire et une certaine presse qui écrit sous la dictée des officines, dès que le mot Maroc est prononcé quelque part, comme par un réflexe pavlovien, deux réquisitoires jaillissent de nul part : Drogue et autodétermination du Polisario. Une dernière démonstration a été récemment donnée comme l’illustration parfaite de cette fixation à la limite du morbide. Lors du dernier discours du trône, Le Roi Mohammed VI s’était livré à un grand exercice d’interrogations sur les vraies raisons qui campent derrière la fermeture permanente des frontières entre les deux pays et tout ce que les peuples de la région gagneraient à dépasser cet obstacle. En réaction à ce discours, la diplomatie algérienne a ressorti des placards à délires l’éternelle antienne sur la nécessité pour les séparatistes du Polisario d’accéder à l’autodétermination.

Ce dialogue de sourds entre un pays, le Maroc qui tend en permanence la main de la réconciliation pour le bien être des peuples et un système algérien qui la refuse par une sorte d’automatisme structurel fait dire à beaucoup de spécialistes de la question que la grande embellie maghrébine tant rêvée par les Marocains doit attendre que l’actuelle génération au pouvoir en Algérie, sclérosée dans sa haine du Maroc, meurt de sa belle mort naturelle. Les mêmes font le pari que la connexion entre les deux peuples, marocains et algériens, est si naturelle et si spontanée qu’elle permettrait d’enterrer tous les antagonismes.

D’ailleurs dans cette partition maghrébine, le Maroc a toujours incarné une vision de rassemblement des énergies, de fédération des puissances entre les différentes composantes du Maghreb pour lutter contre le sous-développement et l’insécurité, et prôné le vœu de former cet ensemble régional qui pourra compter dans les grandes équations économiques et politiques internationale. Tandis que l’Algérie a toujours campé une posture d’antagonisme et de morcellement de la région, si dure que les médiations les plus engagées n’ont pas réussi à la dévier de son obsession. Résultat deux pays voisins que tout doit rapprocher passent leur destin à s’ignorer.

Nombreuses sont les interrogations qui se posent autour de l’entêtement algérien à vouloir absolument naviguer dans le sens contraire de l’histoire et à persister à bloquer le moteur du grand Maghreb au grand dam des intérêts stratégiques de son propre peuple. L’interrogation devient aiguë lorsque l’on constate que le régime algérien mobilise toute son énergie dont le seul objectif est d’affaiblir le Maroc et de l’empêcher de concentrer la totalité de son attention et son énergie à investir dans le développement de ses potentialités. La première pourrait provenir de ce qu’on peut baptiser un "Boumedianisme" haineux encore à l’œuvre au sein certains cercles de pouvoir en Algérie. Cet élément constitutif du tempérament algérien, naturellement agressif aux penchants autoritaires et dominateurs, ne se concevrait qu’en opposition militarisée avec ses voisins.

Le second élément d’explication peut trouver son origine dans le fait que le relation avec le Maroc est devenue un enjeu de survie politique interne en Algérie. L’actuel système qui, malgré la fabuleuse fortune énergétique et financière sur laquelle il est assis depuis des décennies, ne parvient pas à satisfaire les besoins élémentaires d’une large partie de sa population. Des secteurs de santé, d’éducation et de logement totalement sinistrés, une jeunesse en déshérence qui ne rêve que d’immigration ou de Djihâd, des scandales de corruptions à répétition intrinsèquement liés à la gestion de la chose publique…..Autant d’indicateurs d’échec de cette gouvernance post indépendance qui exprime le besoin d’avoir un ennemi externe pour pouvoir dérouter vers lui le volcan de frustrations sociales qui menace de faire exploser à tout moment la société algérienne. Le Maroc jouerait dans cette configuration le rôle d’ennemi intime dont le niveau de détestation sert à maintenir une forme de sentiment national algérien. La réconciliation entre l’Algérie et le Maroc abattrait automatiquement tous ces ressorts et obligerait la société algérienne à se doter d’un leadership plus compatible….et donc plus démocratique.

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