France: « A bout », les personnels des maisons de retraite font grève mardi

ls se disent "cassés", "usés", "à bout". Des personnels au chevet des personnes âgées sont en grève mardi pour réclamer davantage de moyens afin de s’occuper "dignement" des aînés, une mobilisation nationale inédite dont l’ampleur est difficile à prévoir.

A l’appel d’une large intersyndicale (CGT, CFDT, FO, Unsa, CFTC, CFE-CGC et SUD), avec le soutien de l’association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA) et de plusieurs associations de retraités, des débrayages sont prévus dans des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et dans des services d’aide et de soins à domicile.

Des rassemblements sont organisés sur l’ensemble du territoire. A Lille, une dizaine de personnes était rassemblée devant l’Ehpad des Bateliers en début de matinée, brandissant des drapeaux CGT. "Je ne dors plus, je vais travailler la boule au ventre", confiait Denis, salarié d’un Ehpad du Pas-de-Calais. "Il y a une débauche de protocoles, de procédures, de surveillance. On a aussi l’impression d’une stagnation des budgets depuis six, sept ans."

A Paris, un rassemblement est prévu à 14H00 devant le ministère des Solidarités et de la Santé, où une délégation doit être reçue.

"Il n’y aura pas un grand rassemblement unique mais une diversité de petites mobilisations", avaient annoncé jeudi à la presse des représentants de l’intersyndicale, car "il est nécessaire d’assurer la continuité des soins et de ne pas abandonner les aînés".

Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, a évoqué mardi "une violence institutionnelle", subie à la fois par les personnes âgées et les personnels des maisons de retraite médicalisées.

Depuis plusieurs mois, les personnels réclament "davantage de moyens humains pour plus de dignité". En 2017, une centaine de grèves dans des Ehpad ont été recensées, dont la plus médiatique, aux Opalines à Foucherans (Jura), a duré près de trois mois.

"situation explosive"

"On a entre 12 et 15 toilettes à faire par matinée, on n’a plus de temps d’écoute, de sorties… Ceux qui peuvent encore marcher, on les met dans un fauteuil, ça va plus vite. Pour faire manger les résidents, c’est un à chaque bras", avait témoigné jeudi Sandrine Ossart (CGT), aide-soignante à Nantes depuis 26 ans, "à bout".

Pour elle, cette journée de mobilisation "attendue depuis dix ans" sera l’occasion "de dire qu’on est cassés, usés". Des témoignages similaires sont apparus sur Twitter avec le mot-dièse #balancetonEhpad.

La ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn a assuré mardi matin sur France 2 comprendre la colère et "l’épuisement" des personnels. Ces dernières années, "les besoins en personnel ont augmenté sans que forcément les financements suivent", a-t-elle concédé, rappelant que "les personnes âgées qui arrivent en Ehpad sont de plus en plus dépendantes".

En octobre déjà, des représentants syndicaux avaient adressé une lettre à Emmanuel Macron pour lui signaler une "situation explosive".

Deux revendications dominent: l’application d’un ratio d’un agent par résident, contre 0,6 en moyenne actuellement, et l’abrogation d’une réforme contestée de la tarification, qui prévoit de faire converger progressivement jusqu’en 2023 les dotations aux Ehpad publics et privés.

Cette dernière va "aggraver davantage la situation financière des Ehpad publics" et conduire à des "suppressions de postes", affirment les grévistes.

Agnès Buzyn avait annoncé la semaine dernière le déblocage de 50 millions d’euros supplémentaires pour les établissements en difficulté, somme jugée insuffisante par les syndicats.

Près de 600.000 personnes vivent aujourd’hui dans l’un des 7.200 Ehpad, selon le ministère de la Santé, et quelque 400.000 personnes y travaillent.

"Mon établissement en lui-même est bien conçu, récent. La cage est belle. Cependant les oiseaux sont-ils si heureux que cela ?", témoignait récemment Paul, 90 ans, résident d’un Ehpad. Ce nonagénaire dépeint "un manque de temps du personnel" qui équivaut "au quotidien à une carence de parler, de présence et de geste".

La gauche (NPA, PS, Insoumis) ainsi que LR ont apporté leur soutien au mouvement. (afp)

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