Les Egyptiens votent pour prolonger la présidence de Sissi
Les Egyptiens votent samedi lors d’un référendum sans suspense sur une révision constitutionnelle devant permettre à Abdel Fattah al-Sissi, président depuis 2014, de prolonger son mandat et de consolider son pouvoir.
Les bureaux de vote, décorés aux couleurs nationales, sont placés sous haute protection de la police et de l’armée, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Les résultats du scrutin, qui devrait donner sans surprise la victoire à M. Sissi, seront proclamés le 27 avril.
Depuis des semaines, les rues du Caire et d’autres villes ont vu fleurir des banderoles appelant à voter "oui" à la révision de la Constitution de 2014, qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels.
Le Parlement avait approuvé mardi à une écrasante majorité les amendements constitutionnels, et les dates du scrutin, du 20 au 22 avril, ont été annoncées le lendemain.
Les nouvelles dispositions permettent de faire passer le deuxième mandat de M. Sissi de quatre à six ans, portant son terme à 2024. Le chef de l’Etat pourrait ensuite se représenter en 2024 pour un troisième mandat, ce qui le reconduirait jusqu’en 2030.
Cette série d’amendements "est sans précédent dans l’histoire (moderne) de l’Egypte", estime Mustapha El-Sayyid, professeur de sciences politiques à l’Université américaine du Caire.
Pour M. Sayyid, ces amendements renforceraient le pouvoir "d’un individu sur tous les autres". "Un retour en arrière sera très difficile, car qui abandonnerait tant de pouvoir ?", s’interroge-t-il.
"Peu d’opposition publique"
Outre la durée du mandat présidentiel, la révision doit accroître le contrôle du pouvoir judiciaire par l’exécutif et institutionnaliser le rôle politique de l’armée, pilier du régime. Il prévoit aussi un quota de 25 % de femmes au Parlement.
"Je suis contre quelques changements comme la prolongation du mandat présidentiel mais je vais quand même voter +oui+ (…) car les militaires protégeront la nature civile de l’Etat et ça me parait important", déclare à l’AFP Ramez Raouf, un banquier retraité.
Dans une lettre publiée jeudi, le cabinet d’analyse sécuritaire Soufan Center avance qu’"il n’y a que peu d’opposition publique aux changements constitutionnels, résultat probable de la nature oppressive du gouvernement".
Samedi, l’ONG Human Rights Watch a estimé que les amendements allaient "consolider le pouvoir autoritaire" en Egypte.
M. Sissi a été élu président en 2014, avec 96,9 % des voix, un an après avoir renversé avec l’armée, à la faveur d’un mouvement populaire, le président islamiste Mohamed Morsi.
Il a été réélu en 2018, avec 97,08 % des voix, dans un scrutin marqué par la présence d’un unique rival, relégué au rang de faire-valoir, et par une série d’arrestations d’opposants.
Les ONG et les opposants dénoncent la réforme constitutionnelle, accusant régulièrement le président Sissi de graves violations des droits humains.
Un groupe d’ONG égyptiennes a estimé cette semaine que le "climat" politique ne permettait pas la tenue d’un référendum constitutionnel avec des "garanties ne serait-ce que minimales d’impartialité et d’équité".
A contre-courant
La consolidation attendue du pouvoir de M. Sissi en Egypte, pays le plus peuplé du monde arabe, intervient alors qu’au Soudan voisin et en Algérie, des mouvements populaires sont venus à bout, après des mois de contestation, de chefs d’Etat au pouvoir depuis des décennies.
Omar el-Béchir, au pouvoir depuis 1989 à Khartoum, a été renversé le 11 avril. Abdelaziz Bouteflika, maître de l’Algérie depuis 1999, a démissionné le 2 avril.
"Lorsque vous réprimez toute forme de liberté, vous récoltez une explosion de colère dans les rues ou un coup d’Etat militaire violent", avance Hassan Nafaa, politologue retraité de l’Université du Caire.
Au Parlement, seuls 22 élus ont voté contre les amendements ou se sont abstenus.
L’opposition à cette révision reste presque exclusivement cantonnée aux réseaux sociaux. L’écrasante majorité des médias, en particulier la télévision, relaie le discours des soutiens du président Sissi, diabolisant les voix critiques, qui vivent généralement en exil.
Au total, quelque 62 millions d’Egyptiens, sur une population de près de 100 millions, sont appelés à se rendre dans l’un des quelque 13.000 bureaux de vote dans le pays.
Dès vendredi, les Egyptiens de l’étranger ont pu voter à l’intérieur des missions diplomatiques.