Depuis le déclenchement de la crise libyenne, la communauté internationale s’est ingéniée à tenter de trouver un compromis. Les nations unies se sont investies à fond dans ce dossier aux multiples conséquences sécuritaires aux portes de l’Europe. D’où l’accord de Skhirat (Maroc ) qui a reconnu un gouvernement d’union nationale confié à Fayez Serraj avec l’ambition affichée d’intégrer sous son aile l’ensemble des composantes politiques et militaires du reste de la Libye.
Depuis le début de ce processus, Khalifa Haftar s’est imposé comme le véritable challenger de l’homme de Tripoli et de l’ONU Fayez el-Sarraj. Au fur et à mesure que le temps passe, ses forces réunies sous le sigle de l’armée nationale libyenne suscitent l’attention par des performances militaires sur la région est, qu’il s’agisse de pourchasser des groupes radicaux ou de contrôler des champs pétroliers, sources de richesse de l’ensemble de la Libye.
Grâce à ses réalisations militaires, Khalifa Haftar est devenu incontournable dans la solution politique préconisée par l’ONU et les pays de la région qui gèrent cette crise. D’où les nombreuses réunions en France, en Italie et dans des pays du golfe pour tenter de parvenir à un compromis entre le gouvernement d’Union nationale Fayez el-Sarraj et le patron de l’armée nationale qui contrôle aussi le parlement Tobrouk Khalifa Haftar.
Tout semblait prendre un chemin diplomatique tortueux mais atteignable sous la houlette de l’envoyé spécial des nations unies, l’ancien ministre libanais Ghassan Salamé. Avec un agenda de rencontres, de négociations pour organiser les prochaines élections et rapprocher les forces antagonistes. Jusqu’à ce que Khalifa Haftar décide son coup de force, celui de marcher sur Tripoli et de déclencher une véritable opération militaire contre son leadership.
Non seulement cette décision abat de plein fouet les efforts des nations unies d’organiser une transition politique pacifique dans ce pays mais elle y relance surtout le spectre de la guerre civile. Elle fut aussi à l’origine de tornades diplomatiques qui ont plongé certains pays dans une zone gris clair et met à nu leur double discours à la limite de la de la schizophrénie, entre un soutien officiel à la thérapie proposée par les nations unies et une compréhension manifeste de ce geste militaire destiné à prendre de force la ville de Tripoli et à soumettre son leadership.
Pendant de longues journées, la diplomatie française en concurrence directe avec son homologue italienne sur la crise libyenne fut l’objet de critiques, de gêne et d’embarras. C’est en effet la France d’Emmanuel Macron qui a tout fait pour redorer le blason du général Haftar en facilitant son entrée et sa reconnaissance par la communauté internationale. L’actuel ministre des affaires étrangères Jean-Yves le Drian était déjà sous le charme quand il était ministre de La Défense de François Hollande. Paris considère Khalifa Haftar comme un acteur majeur de la lutte contre les groupes terroristes qui continuent de faire peser une lourde menace sur la région du Sahel dans laquelle l’armée française est engagée pour les décimer.
Mais la surprise du chef est venue de Washington et de Donald Trump. Depuis le débat de l’opération de Haftar contre Tripoli, le secrétaire d’état aux affaires étrangères Mike Pompéo s’est distingué par une posture où il avait fait les gros yeux au maître de Benghazi lui demandant l’arrêt immédiat de cette opération militaire. Or qu’elle ne fut la surprise de la planète diplomatique mondial de voir la Maison Blanche dévoiler une considération téléphonique entre le président américain Donald Trump et le maréchal Haftar dans laquelle il lui exprime une soutien manifeste. Le communiqué de la présidence américaine fait d’ailleurs l’éloge du « rôle significatif du maréchal Haftar dans la lutte contre le terrorisme et la sécurisation des ressources pétrolières de Libye ».
En s’exprimant de la sorte, Washington rejoint Moscou dans le soutien à la stratégie militaire de Khalifa Haftar. Les deux pays se joignent aussi aux Emirats arabes unies et à l’Arabie saoudite dont Khalifa Haftar avait rencontré le roi Salman ā Ryad avant le lancement de cette opération et à l’Égypte dont le président Abdelfattah Sissi avait rencontré le président Donald Trump avant que ce dernier ne dévoile de manière aussi fracassante son soutien à Haftar. Le militaire banni, à la limite du mépris d’hier, est devenu par la grâce d’un effet magique encore inexplicable la coqueluche, voire le joker gagnant de la diplomatie mondiale sur la crise libyenne.