Pour son troisième mandat en Guinée, Condé appelle à « oublier le passé »

Le président Alpha Condé a appelé mardi les Guinéens à « oublier le passé » et à se tourner vers un « avenir d’unité et d’espérance », promettant de « gouverner autrement », lors de son discours d’investiture pour un troisième mandat controversé.

Dans un Palais Mohammed V de Conakry placé sous haute sécurité, le président sortant a prêté serment lors d’une cérémonie en présence d’une douzaine de chefs d’Etat africains et de représentants de la France, de la Cédéao ou encore des Nations unies.

« Je jure devant le peuple de Guinée et sur mon honneur, de respecter scrupuleusement les dispositions de la Constitution, les lois et les décisions de justice, de défendre les institutions constitutionnelles, l’intégrité du territoire et l’indépendance nationale », a-t-il déclaré.

« En cas de parjure, que je subisse les rigueurs de la loi », a ajouté en levant la main droite M. Condé, vêtu d’un boubou blanc.

Le président de la Cour constitutionnelle, Mohamed Lamine Bangoura, qui l’a proclamé vainqueur du scrutin du 18 octobre en écartant les recours de l’opposition, a précisé qu’il serait « installé dans ses fonctions » lundi 21 décembre.

M. Bangoura a également souhaité que « les leaders politiques saisissent la main tendue ». « C’est tout le sens de notre appel au dialogue… un dialogue permanent, vaccin de tout conflit ».

Le haut magistrat a ensuite appelé M. Condé à gouverner sans « aucune tolérance » pour « la corruption, l’incivisme, l’ethnocentrisme, le népotisme ».

 

 Sursaut national

« J’exhorte chacun d’entre vous à oublier le passé qui divise au profit d’un avenir d’unité et d’espérance », a répondu dans son discours Alpha Condé, affirmant sa « conviction que la Guinée se fera avec tous les Guinéens ».

La Guinée, pays pauvre d’Afrique de l’Ouest malgré des ressources naturelles considérables, a « besoin d’un véritable sursaut national afin de consolider notre commun désir de vivre ensemble », a-t-il lancé.

« Mais chacun doit respecter la loi et bannir de ses propos et de ses actes la violence, afin que notre pays demeure une société de liberté et de responsabilité », a averti M. Condé, dont les opposants dénoncent les dérives autoritaires.

Il a affirmé sa volonté de « gouverner autrement », réitérant ses promesses de campagne envers les jeunes et les femmes notamment.

« Nous aspirons tous à un changement profond et rapide. C’est pourquoi il faut changer les pratiques et les méthodes. Nous nous engageons à lutter avec fermeté contre la corruption, le copinage et le clientélisme », a ajouté Alpha Condé.

« Cela veut dire travailler pour les couches les plus vulnérables. Gouverner autrement, c’est servir le peuple. Les ministres et hauts fonctionnaires doivent être au service du peuple et non à leur service ou à celui de leur famille », a-t-il assuré.

Ancien opposant historique élu en 2010 et réélu en 2015, Alpha Condé a fait adopter en mars, lors d’un référendum boycotté par l’opposition, une nouvelle Constitution, invoquée pour se représenter après ses deux mandats constitutionnels. Son nouveau mandat marque l’avènement d’une « quatrième république », souligne le pouvoir.

 

 « Homicides volontaires »

Le projet de référendum, puis la candidature d’Alpha Condé, ont donné lieu à des mois de manifestations durement réprimées et de violences qui ont fait des dizaines de morts civils d’octobre 2019 aux lendemains de l’élection.

La justice et la police ont lancé depuis une vague d’arrestations contre ceux qu’elles disent soupçonner d’être impliqués dans les violences.

Dans un communiqué, Amnesty International a dénoncé mardi les « homicides commis par des forces de défense et de sécurité dans des quartiers favorables à l’opposition après l’élection présidentielle ».

« Au moins 16 personnes ont été tuées par balle entre le 18 et le 24 octobre », selon l’ONG, qui fait également état d’un cas de torture et de nombreuses arrestations et détentions arbitraires.

Alpha Condé et le gouvernement guinéen accusent régulièrement les ONG internationales de partialité, leur reprochant de ne pas dénoncer les violences commises par les manifestants.

Un dispositif de sécurité très important, composé de policiers, gendarmes et militaires, avait été déployé dès le début de la matinée jusque dans la grande banlieue de Conakry, réputée acquise à l’opposition, a constaté un correspondant de l’AFP.

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