Migrants – Maroc : l’autre pays en première ligne
Le volontarisme du Maroc vers l’Afrique n’est pas qu’économique et politique. Il est aussi social comme l’atteste sa politique vers les migrants.
Par Malick Diawara
Organiser dans un cadre réfléchi la situation des migrants
En effet, alors que les expulsions systématiques de migrants tiennent lieu de politique dans un certain nombre de pays, le Maroc a décidé de prendre le taureau par les cornes et d’organiser au mieux sur son territoire leur situation. Cela ne signifie pas que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. De pays d’émigration à pays réceptif en passant par le stade de pays de transit, le royaume chérifien a eu peu de temps pour se rôder aux meilleures pratiques en la matière. Mais il compense par une volonté politique forte, teintée d’un réalisme de bon aloi. Procéder à des expulsions en dehors de tout cadre légal et organisé ferait véritablement désordre alors que le Maroc a fait de la coopération avec l’Afrique subsaharienne la colonne vertébrale de l’axe Sud-Sud qu’il s’évertue à construire. La décision prise en septembre 2013 de mettre en place une politique de régularisation des migrants est donc bien teintée de bon sens.
Mise en place d’une politique de régularisations
Et c’est du jamais-vu ou presque sur le continent. Sans naïveté aucune, mais avec réalisme, le Maroc s’est fixé des objectifs précis dans la gestion de ce flux de migrants qui traversent ou s’arrêtent sur son territoire. Et les objectifs sont clairement énoncés par le royaume chérifien : l’intégration des immigrés réguliers dans une logique respectueuse des droits humains, d’où la nécessité d’un cadre institutionnel et juridique adapté. À Rabat, on explique haut et fort que toutes ces initiatives procèdent d’une volonté de garantir l’égalité entre des droits entre les Marocains et les étrangers, et donc d’exclure toute approche discriminatoire. Une manière de respecter d’une part la Constitution, et d’autre part, les conventions internationales auxquelles le royaume a adhéré.
18 000 personnes régularisées en 2014, soit 50 % d’avis favorables
Pays de destination de nombreux subsahariens pour des études, soit dans les universités, soit dans des écoles militaires (beaucoup d’officiers de gendarmerie et de pilotes subsahariens sont formés à l’Académie royale de Meknès ou à l’école d’aviation de Marrakech), le Maroc est aussi l’un des pays du Maghreb où les mariages mixtes avec des subsahariens sont les plus nombreux. De fait, cette campagne de régularisations a vite d’abord concerné les conjoints de Marocains, mais aussi d’autres étrangers en résidence régulière au Maroc, ainsi que leurs enfants. S’y sont ajoutés nombre d’étrangers disposant de contrats de travail ou justifiant de cinq ans de résidence continue, et enfin ceux atteints de maladies graves. L’ampleur a donc été sans commune mesure sachant que, pour l’année 2014, ce sont près de 18 000 personnes d’une centaine de nationalités qui ont réussi à être régularisés. Parmi eux, de nombreux ressortissants d’Afrique subsaharienne en tête desquels les Sénégalais (24,15 %) suivis des Nigérians (8, 71 %), des Ivoiriens (8,35 %)… avec un contingent de 5 060 femmes toutes nationalités confondues.
Luxe de précautions autour des droits des migrants
Dans le but de respecter les droits des migrants, une Commission nationale de suivi et de recours a été mise en place pour le réexamen des dossiers de régularisation déposés auprès des commissions provinciales de régularisation. Et tout a été fait pour une bonne représentativité. Présidée par le Conseil national des droits de l’homme, cette Commission est composée des représentants des ministères des Affaires étrangères et de la Coopération, des Marocains résidant à l’étranger et des Affaires de la migration, de l’Intérieur, de l’Emploi et des Affaires sociales, de la délégation interministérielle aux droits de l’homme (DIDH), des acteurs associatifs et de personnalités qualifiées. En somme, moult précautions pour que la reconnaissance des droits fondamentaux des migrants ne souffre aucune entorse.
À l’horizon, de vrais défis
Il ressort de tous ces éléments que le Maroc s’évertue à intégrer au mieux des populations dont la majorité a une affinité au moins cultuelle avec ses citoyens. Mais, concrètement, que va-t-il se passer sur le terrain avec l’autre partie, la minoritaire, différente à la fois sur les plans cultuel et culturel ? La question mérite d’être posée au moment où, dans un environnement de tolérance religieuse, les églises évangéliques semblent avoir retrouvé une certaine vigueur alors qu’il y a peu elles s’étaient imperceptiblement assoupies.