Khashoggi: Trump se retient d’user de son influence sur Ryad

Le président américain Donald Trump s’est retenu, dans l’affaire du meurtre du journaliste Jamal Khashoggi, d’user de tous les moyens de pression dont il dispose contre Ryad, préférant mettre en avant les bénéfices économiques que son pays tire de la relation avec l’Arabie saoudite.

Selon des médias américains, la CIA n’a plus de doutes sur la responsabilité de Mohammed ben Salmane, dit "MBS", le puissant prince héritier d’Arabie saoudite, dans le meurtre de Jamal Khashoggi, un journaliste saoudien critique du pouvoir tué le 2 octobre dans le consulat saoudien à Istanbul.

Donald Trump a cependant assuré mardi que l’agence américaine de renseignement extérieur n’avait "rien trouvé d’absolument certain", et réaffirmé son soutien aux dirigeants du royaume.

"Il se pourrait très bien que le prince héritier ait eu connaissance de cet évènement tragique –peut-être, peut-être pas!", a-t-il dit. Ce qui compte, a souligné le président américain, c’est avant tout les liens profonds avec le royaume saoudien.

Et d’énumérer la lutte contre l’Iran –l’ennemi commun–, le combat contre le "terrorisme islamique radical", l’achat d’armes américaines ou encore la stabilité des prix du pétrole, dont Ryad est le premier exportateur mondial.

Ce soutien appuyé de M. Trump à l’Arabie saoudite, qu’il a encore réitéré mercredi, ne fait que renforcer les responsables saoudiens dans leur idée que la relation entre les deux pays est tellement forte qu’elle ne peut souffrir d’être remise en cause. Mais pour certains experts, les liens entre les deux pays ne sont pas aussi cruciaux que M. Trump veut bien le faire croire, et les Américains ont en fait l’avantage sur le plan économique. Ainsi, Washington aurait les moyens de taper du poing sur la table.

"Les Saoudiens ont besoin des armes et équipements américains plus que nous avons besoin de leur vendre" ce matériel, indique sur le site de CNN Aaron David Miller, un ancien diplomate américain et négociateur dans plusieurs administrations démocrates comme républicaines.

"Ce serait très difficile et cher pour les Saoudiens de mettre à exécution leur menaces régulières d’acheter +ailleurs+ s’ils ne peuvent avoir ce qu’ils veulent des Etats-Unis", estime-t-il.

Les liens s’étendent au-delà du secteur militaire. Cherchant à diversifier son économie largement dépendante du pétrole, le Fonds public d’investissement saoudien (PIF) a des parts d’une valeur de plusieurs milliards de dollars dans une foule d’entreprises américaines, du géant du véhicule avec chauffeur Uber à Magic Leap, une start-up spécialiste de la réalité augmentée.

Largement dépourvu d’expertise commerciale en dehors de son secteur pétrochimique, Ryad ont dépensé des millions de dollars auprès d’entreprises de conseil comme le cabinet McKinsey ou le Boston Consulting Group.

Le site américain de fact checking PolitiFact s’inscrit en faux contre les affirmations de M. Trump selon lesquelles l’Arabie saoudite a accepté d’investir 450 milliards de dollars — dont 110 milliards pour des contrats d’armement — aux Etats-Unis. Selon lui, ces investissements existent seulement sur le papier.

Par ailleurs, selon le Center for International Policy, les ventes d’armes américaines à l’Arabie saoudite ont représenté pour moins de 20.000 emplois par an aux Etats-Unis, très loin derrière les centaines de milliers évoqués par le président américain.

M. Trump a ignoré le fait que son pays dispose d’un "levier considérable" sur Ryad, résume ce centre basé à Washington.

En attendant, dans le royaume, les médias officiels se targuent du soutien américain, vantant la puissance de leur pays.

"L’Arabie saoudite d’abord", écrit le journal progouvernement Okaz, en écho à "L’Amérique d’abord", le slogan de Donald Trump.

"Il y a le sentiment que nous pouvons acheter n’importe quoi, que nous pouvons acheter le monde", a indiqué à l’AFP un analyste saoudien basé à Ryad, après que le président américain eut réaffirmé mardi la relation "inébranlable" avec Ryad.

En affirmant que le prince héritier était le commanditaire du meurtre, la CIA a voulu elle dire qu’elle ne croit pas que son maintien est "crucial pour la sécurité nationale américaine ou la stabilité du royaume", estime James Dorsey, de la Rajaratnam School of International Studies à Singapour.

A Ryad, le ministre saoudien des affaires étrangères, Adel al-Jubeir, qui avait déjà affirmé que le prince n’avait "rien à voir" dans le meurtre, a mis en garde mercredi ceux qui voudraient persister dans ces allégations.

Dans une interview accordée à la télévision britannique BBC, il a indiqué que le prince héritier ou son père, le monarque saoudien, étaient des "lignes rouges".

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