En Syrie, l’histoire se répète pour les Kurdes

Pour la deuxième fois en deux ans, Jihane et sa famille ont dû plier bagages et abandonner leur maison dans le nord de la Syrie en raison d’une offensive militaire turque.

"Nous ne savons pas où aller (…) Que veut-il de nous Erdogan ?", demande en référence au président turc, cette mère de 47 ans qui a fui jeudi les bombardements turcs sur la ville de Kobané proche de la frontière turque.

"Tout cela a-t-il lieu parce que nous sommes kurdes ?" lance-t-elle dans une cour d’école de Hassaké, une ville kurde plus au sud, transformée en abri pour les familles déplacées.

Mercredi, Ankara et ses supplétifs syriens ont lancé une offensive contre les forces kurdes qui contrôlent de vastes pans du nord-est de la Syrie à la faveur de la guerre dans ce pays. Il s’agit de la troisième opération turque dans cette région depuis 2016.

En 2018, les forces turques avaient conquis l’enclave kurde d’Afrine (nord-ouest) au terme d’une offensive qui avait provoqué un déplacement de la moitié des 320.000 habitants de l’enclave, selon l’ONU.

Jihane et sa famille faisaient alors partie de ces déplacés. Ils avaient trouvé refuge à Kobané.

"Nous avons quitté Afrine après que l’ennemi a mis la main dessus et nous nous sommes installés à Kobané, où la situation était calme et sûre. Mais l’ennemi ne veut pas que nous jouissions de sécurité", dit-elle.

Autour d’elle, des enfants jouent à la balançoire. Des mères donnent à manger à leurs enfants, en puisant dans les maigres aides distribuées par les autorités kurdes.

"L’Amérique nous a vendus"

A l’instar d’autres déplacés d’Afrine, Jihane n’est plus jamais retournée chez elle.

La Turquie avait lancé son offensive contre Afrine après le retrait des forces russes de leurs positions dans la région. Et cette semaine, Ankara a lancé son opération après le départ des forces américaines des secteurs frontaliers.

"A Afrine, la Russie nous a vendus, aujourd’hui c’est l’Amérique qui nous vend", s’insurge Jihane.

Face à l’afflux des déplacés depuis trois jours, l’administration kurde tente de s’organiser.

A Hassaké, située à 60 km de la frontière turque, trois écoles ont été transformées en abris.

La plupart des déplacés arrivent de Kobané, Tal Abyad et Ras al-Aïn, deux autres villes kurdes cibles de l’offensive turque.

Ils "se rendent à Tall Tamr, Hassaké et les villages environnants", affirme Majida Amine, une responsable locale chargée des déplacés.

Dans l’une des écoles, qui accueille 220 personnes, le nombre de nouveaux arrivants augmente chaque heure, dit-elle en déplorant des moyens limités et en appelant la communauté internationale à une aide d’urgence.

De nombreux déplacés trouvent aussi refuge chez des proches.

"Tout le monde a peur"

Jeudi, 14 organisations humanitaires ont tiré la sonnette d’alarme, soulignant que les aides acheminées aux populations civiles risquaient d’être compromises en raison des violences.

Selon l’ONU, 70.000 personnes ont déjà fui leurs foyers depuis mercredi.

Certaines font le chemin à pied, leurs affaires sur leur dos.

Ibrahim Farès, sa femme et ses deux enfants, font partie de ces déplacés.

"Nous avons fui après que l’aviation (turque) a bombardé Ras al-Aïn", raconte ce père de famille de 28 ans debout devant un pick-up rempli de femmes et d’enfants. "Tout le monde a peur".

A Tall Tamr, à 35 kilomètres de Ras al-Aïn, des familles entières déplacées se sont installées sous les arbres et dans les parcs.

Fakhreddine, 55 ans, et sa famille ont trouvé refuge chez des proches dans cette localité.

Il dit craindre que "les combats ne se répandent à toutes les villes (kurdes). La guerre détruit nos maisons, tuent nos fils. Nous ignorons quel sera notre destin car nous avons perdu confiance dans le monde".

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