Coronavirus: après l’hécatombe dans les Ephad, des familles saisissent la justice

« Faire la lumière » sur ces « drames à huis clos » du coronavirus: après l’hécatombe qui a frappé plusieurs Ephad, de plus en plus de familles saisissent la justice pour dénoncer les conditions de prise en charge de leurs proches.

« Ce sont des deuils extrêmement durs et violents. On a l’image de nos parents morts dans l’indifférence totale et dans des souffrances terribles, seuls. On n’a pas pu être là. Et en plus on se dit: +on ne leur a laissé aucune chance+ », s’attriste Olivia Mokiejewski.

Sa grand-mère de 92 ans, résidente de l’Ehpad Bel Air à Clamart (Hauts-de-Seine), est décédée le 4 avril du coronavirus. Cinq jours plus tard, Mme Mokiejewski a porté plainte contre X pour homicide involontaire, mise en danger de la vie d’autrui et non-assistance à personne en danger.

Comme elle, au moins dix familles ont décidé de recourir à la justice pour alerter sur la situation de certains Établissements d’hébergements pour personnes âgées dépendantes, où sont décédées près de 40% des victimes recensées de l’épidémie.

Le mouvement s’est amorcé début avril avec l’Ehpad La Riviera de Mougins (Alpes-Maritimes) où, à ce jour, 38 résidents sur 109 sont décédés du Covid-19. Des familles endeuillées ont dénoncé le décès de leurs proches dans des « conditions aberrantes ».

Le parquet de Grasse a ouvert une enquête pour « homicides involontaires et omission de porter secours à personnes en péril », après le dépôt d’une salve de plaintes dont une de la municipalité.

Depuis, d’autres plaintes ont été déposées ailleurs en France.

« Absence d’information sur l’état de santé des résidents », « absence de gestes barrière », « réalisation de tests tardifs »… « ce sont les mêmes constats qui sont malheureusement effectués » dans ces plaintes, affirme Fabien Arakelian, avocat de huit familles.

« Que le Covid-19 rentre dans une maison de retraite, qu’il touche les personnes fragiles, ça on l’accepte. Mais là, ça aurait pu être évité », estime Mme Mokiejewski, qui s’indigne notamment du délai de 6 jours entre l’apparition des premiers symptômes chez sa grand-mère et la consultation d’un médecin au sein de l’Ehpad.

L’établissement, comme celui de Mougins, appartient à Korian. Le groupe, qui prend en charge 23.000 résidents en France, déplore 606 décès dus au coronavirus mais se défend de toute négligence.

 « Chape de silence »
Sa directrice générale a dénoncé lundi des « attaques inqualifiables ». « Tous les moyens ont été mis en œuvre partout » pour protéger les résidents, a assuré Sophie Boissard, affirmant que le groupe avait limité les visites dès le 25 février, généralisé le port du masque le 21 mars et recruté 3.000 personnes face à l’épidémie.

Korian « se défendra systématiquement, y compris par voie de justice, contre celles et ceux qui se livrent à des accusations graves et inacceptables », a affirmé le groupe jeudi en annonçant poursuivre Libération en diffamation.

A Paris, Marie-Sophie Boulanger a quant à elle porté plainte pour « mise en danger de la vie d’autrui » le 20 avril. Au sein de l’Ehpad les Parentèles où vit sa mère de 87 ans, « entre 14 et 22 personnes » ont succombé à la maladie, souligne-t-elle.

« Ils n’ont pas voulu prendre les mesures qui s’imposaient pour empêcher le Covid de se répandre, donc c’est en toute connaissance de cause qu’ils ont mis en danger les résidents comme les soignants », s’indigne Mme Boulanger, qui dénonce la « chape de silence » pesant sur l’établissement.

Sollicitée par l’AFP, la direction des Parentèles a assuré avoir « suivi toutes les directives », « mis en place toutes les mesures barrières » et disposer « de tous les équipements nécessaires ».

Le fils d’un résident de la Rosemontoise, à Valdoie (Territoire de Belfort) a lui aussi porté plainte après la mort de son père le 28 mars.

« On n’a pas confiné les gens dans les chambres, on n’a pas donné de masques au personnel, il aurait dû y avoir plus de moyens pour nos anciens », s’est indigné Sébastien Lévêque sur France Bleu Belfort.

Cette maison de retraite a été placée le 6 avril sous administration provisoire en raison de dysfonctionnements dans la mise en place des mesures de protection sanitaires. Selon la mairie, 30 personnes y sont décédées des suites du virus.

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