Christine Taubira, une épine pour Hollande

Même prévisible et largement attendue, la démission de Christine Taubira, ministre de la justice, a fait l’effet d’une bombe à multiples fragmentations. Les raisons sont évidentes. C’est la seconde démission politique de l’ère Hollande après celle d’Arnaud Montebourg, poussé à la sortie à cause du tournant libéral qu’allait prendre le mandat Hollande et incarné par le jeune et très prometteur ministre de l’Economie et des Finances Emmanuel Macron.

Mais la démission de Christiane Taubira avait un parfum particulier. Elle reflète les grandes contradictions de la gauche au gouvernement et les vifs antagonismes sur un sujet explosif qui remet en cause le principe même d’égalité en république. La ministre démissionnaire a précisé qu’elle partait après un désaccord politique majeur avec l’actuel gouvernement.

Après son départ, la bourse des paris s’est ouverte sur son futur comportement. Va-t-elle comme elle a dit, par loyauté à François Hollande, observer un silence politique et s’abstenir de critiquer la gouvernance Hollande ? Ou va-t-elle se transformer en torche politique vivante, rancunière et obsédée par l’esprit de vengeance contre le couple Valls/Hollande. Sur cette question particulière, les avis sont partagés. Entre ceux qui misent sur le sens des responsabilités et de la retenue et ceux qui font valoir le côté éruptif d’une femme politique qui n’avait pas réussi à taire sa différence et à gommer son originalité pendant sa présence dans le casting gouvernemental, comme pourrait-elle se retenir alors qu’elle se retrouve en dehors du pouvoir.

L’idée la plus tentante pour la sortie de Taubira et le scénario le plus cauchemardesque pour l’actuel président de la république qu’elle puisse être récupérée par cette mouvance des frondeurs à gauche qui n’ont jamais pardonné à François Hollande d’avoir oublié ses promesses électorales. Cette mouvance est actuellement à la recherche d’un leader, d’une icône qui incarne ses espoirs et donne corps à sa posture politique. La présence de Taubira au sein de cette galaxie agira aussi comme un facteur de pression supplémentaire pour que les socialistes au gouvernement organisent des élections primaires pour ouvrir le jeu des candidatures à gauche.

Le départ de Taubira a été ressenti par la droite à la fois comme une victoire et un regret. Victoire parce qu’elle avait concentré le feu de ses critiques sur la personne et les choix de la ministre de la justice, celle qui avait porté à bout de bras la grande réformes sur le Mariage pour tous. Regrets par cette droite qui perd avec cette démission une cible de choix susceptible de donner à ses cris d’indignation et à ses critiques contre Hollande une grande pertinence.

Sur le plan international, il y a un pays qui ne regrettera pas le départ de Taubira, c’est le Maroc. Cette ministre de la justice atypique est notoirement connue pour son tropisme algérien. D’ailleurs c’est à un média algérien que Taubira avait annoncé que la déchéance de la nationalité pour les binationaux n’allait pas figurer dans le projet de réforme constitutionnelle avant d’être sèchement démenti par Manuel Valls.

Sous son mandat, les relations franco-marocaines ont été au bord de la crise de nerfs et de la rupture pure et simple à cause de ce fameux épisode du mandat adressé de manière spectaculaire à Abdelatif Hamouchi via la résidence de l’ambassadeur. La suspension de la coopération judiciaire entre les dix pays a duré de longs mois et avait un coût politique et sécuritaire.

Même si les deux pays ont fini par se rabibocher, la sortie de Taubira de la photo a de fortes chances de consolider ces retrouvailles et d’éviter les potentiels malentendus inspirés justement par cet excessif tropisme algérien qui fait partie de l’identité politique d’une certaine gauche en France.

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