Arabie: avec le Covid-19, craintes autour de la santé d’une princesse emprisonnée

Une princesse saoudienne, en détention depuis un an sans inculpation, a fait ce qui paraissait impossible en exposant son cas sur la place publique. Aujourd’hui, elle et ses proches disent craindre pour sa santé en prison face à la pandémie du nouveau coronavirus.

Basma bent Saoud, membre de la famille royale longtemps perçue comme impliquée dans la défense des droits des femmes et d’une monarchie constitutionnelle, a mystérieusement disparu en mars 2019.

Le mois dernier, son compte Twitter s’est toutefois réveillé, par le biais notamment d’une lettre dans laquelle la princesse de 56 ans affirme avoir été « enlevée » et « jetée en prison » avec sa fille de 28 ans, Souhoud al-Charif.

La lettre a été rendue publique via le réseau social, fait rarissime pour un membre de la famille royale saoudienne, où les affaires restent généralement contenues derrière les épais murs des palais.

Basma bent Saoud y implore le roi Salmane et le puissant prince héritier, Mohammed ben Salmane, de lui venir en aide.

Elle dit en outre craindre « une grave détérioration de sa santé » qui « pourrait mener à sa mort » dans la prison de haute sécurité d’Al-Hair, située près de Ryad et connue pour accueillir des détenus politiques.

Quelques heures plus tard, ces tweets ont été supprimés. En réaction, deux sources proches de sa famille ont affirmé que le compte avait été brièvement piraté par quelqu’un en Arabie saoudite.

« Depuis, il n’y a plus eu aucun signe de la princesse ou de Souhoud », dit l’une de ces sources à l’AFP, sous le couvert de l’anonymat.

En écho aux craintes exprimées par la princesse elle-même, sa famille s’inquiète d’une propagation du nouveau coronavirus dans la prison d’Al-Hair.

Autorisée à passer un appel téléphonique par semaine, avant la publique des derniers tweets, la fille de la princesse aurait dit à sa famille que les autorités de la prison avaient signalé des cas de Covid-19.

Un employé de la prison a confirmé séparément à la famille une poignée de cas à Al-Hair, ont indiqué les deux sources à l’AFP.

Contactées par l’AFP, les autorités en Arabie saoudite, où plus de 25.000 cas de nouveau coronavirus ont été signalés jusqu’à présent, n’ont pas donné suite.

Remous

Cette affaire est le dernier signe en date des remous qui agitent la très secrète famille royale saoudienne, après la détention en mars du frère et du neveu du roi Salmane.

La princesse Basma, plus jeune enfant du défunt roi Saoud ben Abdel Aziz, s’apprêtait à se rendre en Suisse à bord d’un jet privé en mars 2019 pour des soins médicaux lorsque des hommes disant travailler pour le roi ont débarqué chez elle à Jeddah (ouest).

Selon les sources proches de la famille, ils ont dit être chargés de l’escorter pour une audience privée avec le monarque.

Ne voulant pas laisser sa mère y aller seule, Souhoud décide de l’accompagner, et les deux femmes sont emmenées directement à Al-Hair.

Sur des images de vidéosurveillance fournies par les mêmes sources, ont voit des hommes armés de pistolets arrivés chez la princesse, avant de couvrir les caméras avec des bouts de tissu.

Dans un témoignage adressé aux Nations unies, la famille explique que la princesse Basma a été emprisonnée probablement pour ses « critiques à propos des abus dans notre pays » ainsi que ses enquêtes sur une fortune appartenant au roi Saoud, gelée par l’Etat.

Dans ce document consulté par l’AFP, la famille dit craindre une démarche destinée à « se débarrasser de la princesse », considérée comme une alliée de l’ancien prince héritier Mohammed ben Nayef, qui a été remplacé par le prince Mohammed en 2017.

Les princes Mohammed ben Nayef et Ahmed -un frère du roi- ont été détenus en mars.

Le gouvernement n’a pas communiqué sur cette affaire destinée, selon les spécialistes, à étouffer toute dissidence et à imposer une loyauté absolue au sein de la famille royale au prince héritier.

« Silence total »

Selon son dossier médical consulté par l’AFP, la princesse Basma souffre notamment de graves problèmes gastro-intestinaux.

Les sources proches de sa famille ont indiqué qu’on lui avait refusé tout traitement médical en prison.

Sa détention à Al-Hair est sans précédent en Arabie saoudite, où les membres de la famille royale sont généralement assignés à résidence ou détenus dans des villas ou des hôtels de luxe.

Sa famille a lancé un nouvel appel pour sa libération à l’occasion du ramadan, resté sans réponse.

Les autorités du royaume sont très sensibles aux critiques publiques.

Avant ses tweets, la princesse avait plaidé sa cause dans des doléances privées auprès du roi et du prince héritier, vues par l’AFP et qui sont restées sans réponse.

« Il n’y a pas eu de réponse, un silence total », résume l’une des sources proches de sa famille.

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