Elu à l’Assemblée nationale constituante (ANC), chargée d’élaborer la nouvelle constitution, Mohamed Brahmi, âgé de 58 ans, fondateur et ancien secrétaire général du Mouvement du peuple (Echaâb), n’avait pas ménagé ses critiques envers le parti islamiste au pouvoir, Ennadha. Mohamed Brahmi avait, il y a deux jours, signé la pétition Tamarrod (rébellion), à l’instar de celle qui a précipité la chute de l’ex-président égyptien islamiste Mohamed Morsi.
La famille de Mohamed Brahmi a accusé le parti islamiste au pouvoir Ennahda d’être responsable du meurtre alors que le chef de ce mouvement, Rachid Ghannouchi, a dénoncé ceux qui veulent conduire la Tunisie vers une "guerre civile".
Dès l’annonce de son assassinat, plusieurs milliers de personnes ont convergé vers l’hôpital Mahmoud Materi à l’Ariana, où repose sa dépouille, alors que d’autres se sont rassemblées devant le ministère de l’Intérieur pour exiger la démission d’un gouvernement dominé par les islamistes.
Présent dans le rassemblement, Mokhtar Trifi, président de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme, a déclaré à Business News que "cet assassinat est une première conséquence des propos de Sahbi Atig, qui avait appelé à "tuer" tous ceux qui appellent à la chute du régime et à abattre la légitimité ".
Lors de la manifestation pro-Morsi organisée, le 13 juillet dernier, par le parti Ennahdha, le chef du bloc parlementaire de ce mouvement, Sahbi Atig, s’était adressé à ceux qui soutiennent la rébellion contre la "légitimité": "Toute personne qui piétine la légitimité en Tunisie, sera piétinée par cette légitimité et toute personne qui ose tuer la volonté du peuple en Tunisie ou en Egypte, la rue tunisienne sera autorisée à en faire ce qu’elle veut y compris de faire couler son sang (youstabahou)". Des propos qui ont fait scandale et suscité une vive polémique sur les réseaux sociaux.
Ironie du sort, Noureddine Bhiri, ministre conseiller politique auprès du chef du gouvernement, déclarait hier à la sortie du conseil des ministres que les auteurs de l’assassinat de Chokri Belaid ont été identifiés, promettant plus de détails dans une conférence de presse que doit donner le ministre de l’Intérieur, Lotfi Ben Jeddou.
Le meurtre de Mohamed Brahimi a réveillé la peur du chos et de la violence dans une Tunisie encore traumatisée. par l’assassinat de Belaïd qui avait choqué et provoqué une profonde crise politique, conduisant à la démission fin février du gouvernement de Hamadi Jebali et à la formation d’un nouveau cabinet dirigé par Ali Larayedh.
Aujourd’hui, la Tunisie se pose de nouveau la question: Qui a tué Mohamed Brahmi? Qui sont les commanditaires de ce crime politique? Et Quel message veulent délivrer ses assassins ?
Quatre ONG dont Amnesty International (AI) et Human Rights Watch (HRW) ont appelé, mercredi 24 juillet, à ce que la Tunisie se dote d’une nouvelle Constitution conforme aux normes internationales et ont notamment recommandé la protection des droits fondamentaux et la suppression des restrictions énoncées dans les articles relatifs à la liberté d’expression, de réunion, d’association, de mouvement et au droit d’accès à l’information.
Le 15 juillet, l’ANC a achevé son premier débat général qui avait commencé début juillet dans la confusion et avec des protestations devant la constituante, très critiquée en raison du retard pris dans la rédaction de la loi fondamentale et de ses dysfonctionnements.
Aucune date n’a encore été avancée pour le vote du projet, qui doit être approuvé à une majorité des deux tiers, faute de quoi un référendum devra être organisé.
Par Sophie Korra