Tunisie : le Président face au mépris islamiste
Bras de fer . L’extradition d’un ex-kadhafiste provoque une crise au sein de la coalition au pouvoir.
L’affaire a finalement été résolue en catimini : tôt dans la matinée de dimanche, Mahmoudi a été reconduit en Libye, sans même que Moncef Marzouki n’en soit informé. Un camouflet pour ce militant des droits de l’homme, déjà sévèrement critiqué par l’opposition pour avoir accepté un poste vidé de toute prérogative. Humilié, le Président a condamné via ses conseillers «une décision illégitime» et veut saisir l’Assemblée constituante. Un débat aura lieu vendredi. «C’est plus une question de déontologie que de légalité, souligne le politologue Fayçal Cherif. Le Président ne se voit attribuer qu’un rôle protocolaire par le texte de répartition des pouvoirs pendant la période transitoire. Or, même dans ce rôle, il a été méprisé.»
Les ministres d’Ennahda ont aussitôt défendu «une opération purement technique» sur laquelle le Président n’aurait pas de prise. Ettakatol a également redit son soutien à cette décision d’extradition. Même le CPR, le parti de Marzouki, a joué la cohésion gouvernementale, avant de changer d’avis et de marquer sa solidarité envers son fondateur. Ennahda a tenté de calmer le jeu, hier, en se disant attaché«à préserver le statut du Président».
Après six mois d’exercice du pouvoir, «cette histoire montre qu’il y a un problème dans la façon dont fonctionne la coalition. C’est un pouvoir exclusif d’Ennahda», fulmine le député Selim ben Abdesselem, vice-président du groupe Ettakatol à l’Assemblée. Face aux islamistes, l’opposition politique reste encore très éclatée. Mais elle semble tentée, peu à peu, de se souder en un front «tout sauf Ennahda».