Pressé de s’exprimer sur les contours de cette réforme discutée depuis deux ans, Édouard Philippe a annoncé que "l’intégralité du projet" serait présentée mercredi à midi devant le Conseil économique, social et environnemental (Cese).
Sur le fond de la réforme, il n’a rien dévoilé, se montrant ferme sur "la disparition des régimes spéciaux" tout en se disant prêt à des "transitions progressives". Après la mobilisation de jeudi, qui a rassemblé au moins 800.000 manifestants selon l’Intérieur contre le futur "système universel" de retraite par points, M. Philippe a rejeté toute logique de "confrontation".
Le Premier ministre "reste sourd aux exigences du monde du travail", a réagi la CGT, pour qui "le calendrier est bouleversé, mais rien ne change dans l’objectif du gouvernement".
Lundi après-midi, la ministre des Solidarités Agnès Buzyn et le haut-commissaire aux Retraites Jean-Paul Delevoye recevront les organisations syndicales et patronales pour leur présenter les "conclusions de la concertation", avant les arbitrages du Premier ministre et du président Emmanuel Macron.
A l’origine de la colère: le "système universel" de retraite par points censé remplacer à partir de 2025 les 42 régimes de retraites existants (général, des fonctionnaires, privés, spéciaux, autonomes, complémentaires).
L’exécutif promet un dispositif "plus juste", quand les opposants redoutent une "précarisation" des retraités. Côté syndicats, seule la CFDT continue de soutenir l’idée d’un régime "universel".
Satisfaites de la mobilisation de jeudi, l’intersyndicale CGT, FO, Solidaires, FSU et quatre organisations de jeunesse ont appelé vendredi à une deuxième journée d’actions mardi. Une nouvelle intersyndicale sera réunie le soir même pour "décider de la suite". La CFE-CGC, qui a participé à l’intersyndicale vendredi, a préféré de son côté attendre les annonces du gouvernement.
"Nous sommes déterminés, ce n’est pas un mouvement d’humeur de quelques jours", a assuré Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU, première fédération chez les enseignants, profession particulièrement représentée dans les cortèges jeudi.
Le Premier ministre s’est d’ailleurs engagé à une "revalorisation progressive" du traitement des enseignants, de façon à ce que leurs pensions de retraite ne baissent pas avec les nouvelles règles de calcul.
Beaucoup de professeurs étaient néanmoins retournés en salle de cours vendredi. Le taux de grévistes est tombé à 4,55% dans le primaire et 5,42% dans le secondaire (collèges et lycées), selon le ministère.
La contestation, d’ampleur, a touché les transports, l’éducation, la police, la justice mais aussi les entreprises privées. Ou encore les raffineries: au moins quatre (La Mède, Lavera, Grandpuits et Gonfreville) étaient de nouveau bloquées vendredi, selon la CGT.
Dans la police, deux syndicats, Alliance et Unsa, ont appelé leurs troupes "à continuer le service minimum" et "à se tenir prêts à toutes autres actions" pour défendre leur régime spécifique de retraite.
La situation dans les transports est restée extrêmement perturbée, et la SNCF et la RATP n’attendent pas d’amélioration notable ce week-end ni lundi sur leurs réseaux. Neuf lignes de métro seront fermées samedi.
La SNCF a même appelé les Franciliens à éviter les trains de banlieue lundi, l’affluence attendue pouvant rendre les gares dangereuses.
Près d’un tiers des cheminots étaient en grève vendredi, 87,2% des conducteurs, selon la direction, et les nerfs des usagers des transports publics étaient parfois mis à rude épreuve.
"C’est un cauchemar, les gens sont encore plus fous que d’habitude. En arrivant à Gare du Nord, ils ne nous laissaient pas descendre", a commenté Lola, dans le RER B.
Le trafic restera "très perturbé" samedi et dimanche avec 5 TGV sur 6 annulés, 85% des Transilien supprimés, et 1 ou 2 TER sur dix en circulation en moyenne, selon la SNCF.
Les trois syndicats représentatifs ayant appelé ensemble à la grève illimitée, la CGT-Cheminots, l’Unsa ferroviaire et SUD-Rail, se réuniront de nouveau samedi à 10H00 au siège de la CGT.
Les routes de l’agglomération parisienne totalisaient près de 600 km de bouchons vendredi à 18H00, le double de la moyenne habituelle.
Dans les airs, Air France a dû annuler vendredi 30% de ses vols intérieurs et 10% de ses moyen-courriers, EasyJet, Transavia et Ryanair laissant également des avions au sol. Les compagnies aériennes ont été priées de réduire de 20% leur programme.
La journée de samedi devrait être plus calme: seuls des retards et perturbations sont à prévoir, selon des prévisions de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC).