L’Europe face à la crise entre Rabat et Madrid

C’est une crise inédite dont on peine à imaginer l’issue. Inédite non par la densité de sa tension ou la violence des propos qui l’accompagnent mais inédite par les solutions et les perspectives pour la désamorcer.

Quand il y avait entre le Maroc et ses voisins européens un désaccord sur la pêche, l’immigration ou les taxes, quel que soit le plafond atteint par les décibels de la controverse, une réunion ou plusieurs réunions d’abord techniques puis politiques finissent par lever toutes les ambiguïtés, assainir les hostilités et arracher des consensus. Ce fut le cas dans plusieurs crises de voisinage entre le Maroc et ses voisins européens. Généralement les intérêts mutuels, la logique d’une  « Real politique » finissent par l’emporter en attendant une nouvelle crise tout à fait naturelle dans des espaces géostratégiques aux intérêts souvent divergents.

Mais la crise que traversent actuellement les relations de Rabat avec Madrid et Berlin est d’une tout autre nature. Elle est par essence politique. Un segment structurant a été perdu dans ce tourbillon, celui de la confiance.

En recevant le chef des séparatistes du Polisario dans des conditions dignes d’un mauvais film d’espionnage de série B, l’Espagne a montré un visage qui a choqué le Maroc par un degré élevé de cynisme et d’opportunisme.

Rabat a surpris Madrid en flagrant délit de mensonges et de duplicité sur une affaire que les Espagnoles savent vitale pour le voisin marocain.  Rabat a constaté que les Allemands, loin de leur apparent comportement de neutralité, travaillaient en sourdine à l’Implosion d’une séquence favorable aux intérêts marocains.

Cette crise à la particularité de ne disparaître que s’il y a une clarification des positions des uns et des autres. Ces pays européens aspirent-ils à consolider une paix régionale basée sur les multiples ententes et les consensus intelligents entre les Etats existants de la région ou s’acharnent-ils à encourager une situation chimérique quitte à risquer l’instabilité, voire le chaos ?

Après avoir longtemps embrassé une approche grise et incertaine, certains pays européens se trouvent acculés à un exercice de vérité qui n’épouse ni la langue de bois chère aux bureaucrates de Bruxelles ni les hésitations de circonstances. Aujourd’hui c’est l’Europe qui est sous pression de parvenir au plus vite à une position commune qui éclaire d’un nouveau jour ses relations avec la région du Maghreb.

Les plus pessimistes mettront le doigt sur l’impuissance des Européens à adopter une position commune sur une crise particulière comme ils l’ont déjà montré à l’égard de nombreuses problématiques. La Turquie, l’Iran, Israël, la Russie et même à l’égard de l’Amérique, les Européens sont toujours été en ordre dispersés. Ce qui affaiblit à la fois leur positionnement et leurs capacités à agir sur les évènements.

A l’égard du Maroc, Rabat est sur une ligne d’une grande clarté. Sa diplomate ne demande ni plus ni moins que de dire ce que cette Europe pense faire à l’égard de ce différend frontalier qui oppose le Maroc et l’Algérie par Polisario interposé.  La grande littérature sur le partenariat stratégique, la communauté de destin, les intérêts communs lourdement imbriqués, est mise à grande épreuve. Le Maroc est-il un allié dont il faut défendre les intérêts ou un adversaire dont il faut saper les fondements ??

C’est la grande interrogation qui agite toute la région. La gravité de la situation nécessite sans aucun doute une réunion en urgence au sommet où les enjeux de cette crise seront ouvertement discutés.

Sur cette crise, la France a déjà annoncé la couleur par la voix de son ministre des affaires étrangères Jean Yves Le Drian pour qui « le Maroc est un partenaire essentiel pour la France et un partenaire crucial de l’Union européenne notamment face au défi migratoire ». Un tel constat, s’il est partagé par l’ensemble des pays européens, devrait se traduire par une clarification des positions qui devrait renforcer les Maroc et non l’affaiblir en le maintenant dans une situation de tension permanente.

L’enjeu pour Paris est de veiller à convaincre ses partenaires européens, aussi bien Madrid que Berlin, de la pertinence de sa perception des enjeux stratégiques de cette crise pour éviter les couteuses fractures et les dangereuses ruptures.

 

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