Irak: le président menace de partir face à l’intransigeance des pro-Iran

Le président irakien a mis jeudi sa démission dans la balance, expliquant qu’il refusait de proposer au Parlement le nom du candidat des pro-Iran pour le poste de Premier ministre, aggravant un peu plus la crise politique.

Alors que la situation politique semble de plus en plus imprévisible, entre l’intransigeance des pro-Iran et celle des manifestants, le grand ayatollah Ali Sistani, dont les sermons ont été jusqu’ici décisifs –c’est après l’un d’eux que le Premier ministre a démissionné– a annoncé jeudi que son prêche n’évoquerait pas la situation politique ce vendredi.

Cette figure tutélaire de la politique dans le pays a déjà pris ses distances avec les politiciens conspués depuis trois mois par une révolte inédite parce que spontanée déjà marquée par près de 460 morts et 25.000 blessés.

Le dignitaire a annoncé qu’il ne jouait aucun rôle dans les négociations entre partis pour désigner un nouveau Premier ministre.

– "Assaad l’Iranien" –

Désormais, alors que le délai constitutionnel est dépassé depuis des jours, que l’impasse semble totale et que les candidats pressentis sont de moins en moins acceptables pour la rue, c’est le président de la République Barham Saleh qui s’est dit "prêt à démissionner" dans une lettre adressée au Parlement.

Ce Kurde issu d’un parti traditionnellement proche du voisin iranien mais qui depuis le début de la révolte fait de la résistance au beau milieu d’autorités qui se sont raidies face à la rue, affirme qu’il mettra sa menace à exécution si le camp pro-Iran s’entête.

La Constitution l’oblige à proposer au Parlement le candidat de la "plus grande coalition" au Parlement, titre que revendique la coalition emmenée par les paramilitaires pro-Iran –même si d’autres forces le lui disputent.

"Le président n’a constitutionnellement pas le droit de s’opposer (…) donc j’annonce ici que je suis prêt à démissionner devant le Parlement", affirme M. Saleh dans sa lettre.

Depuis que le Premier ministre Adel Abdel Mahdi a démissionné fin novembre, les pro-Iran poussaient pour que le ministre démissionnaire de l’Enseignement supérieur le remplace. Obligé d’abandonner un choix refusé avec vigueur par la rue et M. Saleh, ils ont désormais un nouvel homme: Assaad al-Aïdani.

Gouverneur de Bassora, l’homme s’était déjà illustré à l’été 2018 en descendant personnellement de son convoi pour s’en prendre à des manifestants dans sa cité pétrolière, la deuxième ville du pays.

"On ne veut pas d’Assaad l’Iranien", scandent les manifestants à Kout, ville du sud, tandis que sur la place Tahrir de Bagdad, d’immenses portraits de cet ancien opposant à Saddam Hussein, un temps réfugié en Iran puis détenu plusieurs années dans les geôles du dictateur, s’étalent, barrés d’une grande croix rouge.

Pour les protestataires, les "candidats des partis" sont d’emblée refusés. Eux veulent des indépendants et des technocrates qui n’ont pas été aux affaires au sein du système politique, installé en 2003 par les Américains et désormais noyauté par les Iraniens.

Depuis le 1er octobre, ils réclament une refonte totale du système de répartition des postes en fonction des ethnies et des confessions et le renouvellement d’une classe politique inchangée depuis 16 ans.

"Le gouvernement est l’otage des partis corrompus et des divisions confessionnelles", accuse ainsi Sattar Jabbar, manifestant de 25 ans à Nassiriya (sud).

"On poursuivra le mouvement malgré la répression des autorités et les hommes armés des milices", promet de son côté Ali Jihad, un autre protestataire à Nassiriya, où des manifestants ont une nouvelle fois brûlé le siège du gouvernorat.

A Diwaniya, également dans le sud, ils ont brûlé un nouveau QG d’une milice pro-Iran.

– Intimidations et blocages –

Partout dans le sud, de nombreux sièges de milices et de partis sont partis en fumée. Particulièrement ces derniers temps alors que plusieurs militants ont été assassinés, quasiment toujours par balles et généralement en pleine rue. Des dizaines d’autres ont été enlevés, souvent devant chez eux alors qu’ils rentraient de manifestations, parfois même à leur domicile.

Cette campagne, accuse l’ONU, est le fait de "milices" qui veulent faire taire une révolte menée principalement par des jeunes –qui constituent 60% de la population et exigent d’être représentés au sein d’autorités vieillissantes dont les dirigeants refusent de céder la place.

Signe de la colère des manifestants, à Bassora, Nassiriya ou Diwaniya, flammes et fumée noire ont plané toute la nuit sur les grands axes ou les ponts enjambant l’Euphrate, tandis qu’administrations et écoles sont toujours fermées.

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