Irak : 15 manifestants tués après l’incendie d’un consulat iranien

Au moins quinze manifestants ont été tués jeudi dans une ville du sud de l’Irak reprise en main par un militaire, après l’incendie du consulat du grand voisin iranien dans la ville sainte chiite de Najaf qui marque une escalade dans le mouvement inédit de contestation du pouvoir.

A Nassiriya, foyer de toutes les révoltes de l’histoire de l’Irak, depuis tôt le matin, le son des tirs ne cesse pas. Les forces de l’ordre, décidées à mettre un terme à la désobéissance civile, tentent de reprendre deux ponts que les manifestants occupent depuis trois jours.

Outre les 15 morts, plus de 150 manifestants ont été blessés, pour beaucoup par des tirs, ont précisé médecins et policiers dans la ville désormais sous couvre-feu et assiégée par des renforts dépêchés dans la nuit.

Alors que la répression se préparait à Nassiriya, la colère contre Téhéran –très influent voisin de l’Irak– éclatait dans la très symbolique ville sainte chiite de Najaf, plus au nord.

Des centaines de manifestants criant "Iran dehors !" et "victoire à l’Irak !" ont brûlé puis investi le consulat de la République islamique dans la ville visitée chaque année par des millions de pèlerins iraniens.

Téhéran veut "une action décisive"

Pour les manifestants, dans l’un des pays les plus riches en pétrole du monde -mais aussi l’un des plus corrompus-, le système politique conçu par les Américains qui ont renversé Saddam Hussein en 2003 est à bout de souffle.

Et surtout, il est tombé entre les mains de l’Iran et de son puissant émissaire pour les affaires irakiennes, le général Qassem Soleimani, en charge des opérations extérieures de l’armée idéologique de la République islamique.

Depuis le 1er octobre, des dizaines de milliers d’Irakiens réclament le renouvellement du système et de la classe dirigeante dans un pays où un habitant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté et où, officiellement, 410 milliards d’euros ont été détournés ces 16 dernières années soit deux fois le PIB du pays.

Ils accusent leurs dirigeants d’être "incompétents" et affiliés aux deux pays qui se disputent l’influence en Irak, les Etats-Unis et l’Iran –à couteaux tirés. Aujourd’hui, le second a pris l’avantage alors que les premiers sont aux abonnés absents.

Là où le général Soleimani parvient à réunir les partis pour resserrer les rangs autour du Premier ministre irakien Adel Abdel Mahdi un temps sur la sellette, Washington ne fait que de maigres déclarations et son vice-président Mike Pence, qui s’est rendu en Irak cette semaine, a ignoré les autorités de Bagdad pour visiter uniquement ses troupes et les Kurdes.

A propos de l’incendie de son consulat, Téhéran a dénoncé "des agents destructeurs" et réclamé à Bagdad "une action décisive, efficace et responsable". Bagdad a dénoncé des personnes "étrangères aux manifestations" voulant "saper les relations historiques" entre les deux voisins.
Nouveaux commandants militaires

Dès jeudi matin, la réponse arrivait à Nassiriya, tandis que d’importants déploiements des forces de sécurité dans les autres villes du Sud faisaient redouter plus de violence encore.

La répression a été lancée après la nomination d’un nouveau commandant militaire dans la province, comme dans d’autres. Car les autorités s’en remettent désormais à des hauts-gradés pour appuyer les gouverneurs face à un mouvement qui depuis le 1er octobre a fait environ 370 morts et 15.000 blessés. Ce bilan a été compilé par l’AFP à partir de sources médicales et policières, les autorités ne communiquant plus sur les morts.

Mais à la mi-journée, alors que la ville était à feu et à sang et que les manifestants, déterminés malgré la répression, avaient incendié un QG de la police, le gouverneur Adel al-Dekhili en appelait au Premier ministre, lui-même originaire de Nassiriya.

Le pouvoir central doit revenir sur sa décision, a-t-il dit, et "éloigner le général Jamil al-Chemari qui a failli à maintenir la sécurité" et "ouvrir une enquête pour que les responsables des morts et des blessés rendent des comptes", a indiqué son bureau.

C’est ce même haut-gradé qui était en charge de la sécurité à Bassora lors de manifestations dispersées dans le sang et l’incendie d’un consulat iranien durant l’été 2018.

Cette fois-ci encore, l’immense cité pétrolière à la pointe sud du pays participait au mouvement. Là, comme dans les autres villes du Sud, les écoles étaient fermées. Dans plusieurs villes, de nombreuses administrations l’étaient aussi par des piquets de grève.

Et les grands axes routiers sont pris dans un épais nuage de fumée noire: les manifestants brûlent des pneus pour tenter de toucher le gouvernement à son talon d’Achille, l’or noir et ses précieux revenus.

Jusqu’ici toutefois, ils n’ont atteint ni la production ni la distribution de pétrole, unique ressource en devise du pays et qui représente 90 % des recettes d’un gouvernement surendetté.

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