Le chirurgien Le Scouarnec aux assises, premier volet d’une terrible affaire de pédophilie
Le procès du chirurgien à la retraite Joël Le Scouarnec (69 ans), accusé d’agressions sexuelles sur quatre mineures, s’est ouvert vendredi matin à la cour d’assises de Charente-Maritime, à Saintes (France).
La cour devrait examiner des demandes de huis clos de victimes présumées, avant de se pencher pour trois jours sur ces quatre cas, premier volet d’une vaste enquête judiciaire portant sur des centaines de victimes potentielles durant les 30 ans de carrière de ce médecin respecté, père de trois enfants.
En arrivant au tribunal, grand bâtiment néo-classique traditionnel, Me Yves Crespin, avocat de « L’Enfant bleu », partie civile, a estimé que ce procès allait « permettre d’expliquer les silences de la famille, du milieu médical, du conseil de l’ordre des médecins qui a traité cette affaire comme une affaire banale, de la justice qui n’a pas mis de pare-feu en place, pas d’injonction de soins ».
Soupçonné de violences sexuelles sur des centaines d’enfants, l’accusé comparaît dans un premier dossier de viols et/ou atteintes sexuelles concernant la fille de ses voisins de Jonzac, âgée de 6 ans en 2017, deux nièces aujourd’hui trentenaires pour des faits commis chez lui, à Loches entre 1989 et 1999, et une patiente de l’hôpital de cette ville d’Indre-et-Loire qui n’avait que 4 ans en 1993.
En avril 2017, la petite voisine avait raconté comment le chirurgien digestif lui avait montré son « zizi » puis imposé une pénétration digitale à travers la clôture du jardin mitoyen.
Sans le savoir, son récit allait révéler une affaire de pédophilie sans précédent connu en France.
« C’est dur. Ma fille ne témoignera pas. Elle voulait mais je ne veux pas qu’elle soit deux fois avec lui », a dit le père de la petite voisine en arrivant au palais de justice.
Décrit dans des expertises comme un « manipulateur fasciné par la pédophilie », le chirurgien reconnaît des agressions, mais conteste les faits criminels de viols (pénétrations digitales) punissables de 20 ans de réclusion.
– « Joel Le Scouarnec, chirurgien » –
« Il n’est pas dans une logique de déni », assurait avant le procès son avocat Thibaut Kurzawa à l’AFP. « Il souhaite s’exprimer devant ses juges: il veut tenter de comprendre comment il a pu faire autant de mal ».
Crâne dégarni, lunettes fines sur le nez, pull noir sous une chemise grise, l’accusé, visage fermé, s’est installé vendredi matin dans le box en regardant attentivement la salle d’audience pleine à craquer, en partie occupée par de nombreux journalistes et avocats en grève.
D’une petite voix, il a décliné son identité: « Joel le Scouarnec », profession « chirurgien ».
Devant les enquêteurs, il avait confié son « attirance » pour les enfants et sa « boulimie » d’images pédophiles (300.000 retrouvées) qui lui avait valu en 2005 une légère condamnation pour des consultations illégales sur internet (4 mois avec sursis sans obligation de soins). Puis il avait avoué des « attouchements » sur deux de ses nièces, parties civiles au procès, et sur des enfants de son entourage et dans des hôpitaux, faits en partie prescrits.
Qui savait quoi? Selon l’enquête, dès 2006 son passé judiciaire était connu de son hôpital, à Quimperlé, et sa famille était au courant de ses penchants. A commencer par sa femme, qui « savait » dès 1996, selon lui – elle conteste. Puis sa belle-sœur et sa sœur l’ont soupçonné aussi d’agissements sur leurs filles. Mais l’affaire en était restée là.
Les perquisitions avaient révélé des milliers de documents informatiques du chirurgien, des écrits décrivant des fantasmes, des photos dénudées des deux nièces plaignantes, mais aussi un journal intime commencé en 1990 détaillant de possibles abus et deux listings titrés « Vulvettes » et « Quéquettes » recensant de 1984 à 2006 les noms de près de 250 mineurs, autant de victimes potentielles. Les quatre plaignantes y étaient mentionnées.
La justice avait alors ouvert une seconde enquête qui a permis d’identifier à ce jour 349 victimes potentielles (dont 246 ont porté plainte) durant ses 30 ans de parcours professionnel dans le centre et l’Ouest (Loches, Vannes, Lorient, Quimperlé), où il a officié sans être inquiété.
Les parents de la fillette de Jonzac réclament des débats publics mais trois autres victimes entendent le demander et en raison des faits jugés, la cour devra s’y plier.