Discours du Roi Mohammed VI au sommet des Chefs d’État et de gouvernement sur la sécheresse et la gestion durable des terres (Intégral)
Le Roi Mohammed VI a adressé lundi un discours au Sommet des Chefs d’État et de gouvernement sur la sécheresse et la gestion durable des terres, qui se tient à Abidjan.
« Monsieur le Président de la République de Côte d’Ivoire, Cher Frère,
Mesdames et Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,
Mesdames et Messieurs les Hauts Représentants des Organisations Internationales et Régionales,
Excellences, Mesdames et Messieurs,
Je veux, avant tout, féliciter Mon frère, Son Excellence Monsieur Alassane Dramane OUATTARA, Président de la République de Côte d’Ivoire, pour l’organisation réussie de ce Sommet sur la sécheresse et la gestion durable des terres, en marge de la 15ème session de la Conférence des Parties de la Convention des Nations Unies pour la Lutte Contre la Désertification.
Cette initiative louable de Notre Auguste Hôte, est le visage déterminé d’une mobilisation concrète face au problème de la sécheresse qui, dans notre continent africain plus qu’ailleurs, constitue un défi structurel. Elle est, aussi, le reflet éclatant de cette Afrique qui Nous est si chère : l’Afrique entreprenante, qui prend son destin en main.
Le changement climatique n’est pas un sujet théorique ou un objet de débat rhétorique. C’est une réalité dure et implacable, qui sévit par des sécheresses de plus en plus fréquentes, de plus en plus intenses et de plus en plus dévastatrices.
La récurrence des épisodes de sécheresse et la cadence de la dégradation des sols se posent réellement en défi majeur. Durant les vingt dernières années, ils ont impacté plus de 1,5 milliards de personnes dans le monde, et entraîné plus de 124 Milliards de dollars de pertes économiques.
En Afrique, des millions d’hectares sont menacés de désertification en raison de l’avancée du désert, qui progresse dans certaines régions à un rythme de 5 km par an. Or, la dégradation des terres est un multiplicateur de vulnérabilités.
Avec la sécurité environnementale, se trouvent en jeu la sécurité alimentaire, la sécurité humaine et la sécurité « tout court ». Une terre perdue à la vie est une terre gagnée à l’insécurité. Nous le constatons, les zones en prise avec une dégradation extrême des conditions environnementales, sont bien souvent aussi, celles où les conflits éclatent, où les populations sont déplacées et où les groupes terroristes et séparatistes cherchent à s’infiltrer.
Monsieur le Président,
Excellences, Mesdames et Messieurs,
Force est de constater que le climat change, les ressources hydriques se raréfient, les populations croissent, les villes s’étendent et les terres agricoles se réduisent et se dégradent.
Nous sommes résolument décidés à mener le combat contre cet ennemi commun, par une action coordonnée et solidaire. Plusieurs initiatives régionales phares, adaptées aux réalités africaines, concourent à faire émerger la résilience africaine face à la sécheresse.
Nous saluons, à cet égard, l’Initiative d’Abidjan, qui sanctionnera les travaux de Notre Sommet. Nous formons le souhait qu’elle soit la plateforme d’une mobilisation soutenue et pratique, afin de traduire les engagements politiques en actions concrètes. Dans ce sens, Nous appelons à la mise en place d’une véritable alliance africaine contre la désertification, dotée de ressources financières et technologiques adéquates et propres à une action efficace.
Car, parallèlement à l’échéance conventionnelle de la COP.15 sur la désertification, le Sommet d’Abidjan apporte une logique d’action, qui est la bienvenue. Contre la sécheresse et la dégradation des terres, Notre conviction est faite. L’heure est effectivement à l’accélération de la mise en œuvre de programmes opérationnels de lutte contre la désertification, dans le cadre d’une coopération régionale concrète, pragmatique et renforcée.
Nous nous félicitons que l’Initiative d’Abidjan s’inscrive dans la continuité de l’élan donné par le Sommet Africain de l’Action en faveur d’une co-émergence continentale, que Nous avons organisé à Marrakech en marge de la COP.22 sur le climat. La complémentarité est, effectivement, parfaite entre l’Initiative d’Abidjan, et les trois Commissions Climat pour l’Afrique issues du Sommet de Marrakech de 2016 : la Commission du Bassin du Congo ; la Commission de la Région du Sahel ; et Commission des Etats Insulaires. L’initiative d’Abidjan résonne aussi avec l’Initiative Triple A pour une Agriculture Africaine Adaptée, et l’Initiative 3S pour la Soutenabilité, la Stabilité et la Sécurité en Afrique.
Monsieur le Président,
Excellences, Mesdames et Messieurs,
La lutte contre le changement climatique n’est pas seulement une affaire d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi de gestion durable des terres. Notre combat implique un engagement sur plusieurs fronts, particulièrement ceux de la préservation des écosystèmes, de la sauvegarde de la biodiversité et de l’atténuation de la précarité des populations vulnérables.
Ces efforts, Nous les engageons avec détermination sur les plans régional et international, avec, à chaque fois, une déclinaison nationale.
Ainsi, le Maroc qui a abrité la COP.22, est aussi celui qui a révisé à la hausse sa Contribution Déterminée Nationale à 45.5 % de réduction des gaz à effet de serre à l’horizon 2030. De même, les stratégies d’adaptation et d’atténuation que nous défendons à l’international, sont aussi celles que Nous portons au niveau national, afin de doter Notre pays d’un modèle de gestion inclusif et durable. Les stratégies « Forêts du Maroc 2020-2030 » et « Génération Green 2020-2030 » participent de l’objectif d’inverser le processus de dégradation des terres, de réduire l’ampleur de la désertification et d’atténuer ses répercussions, à la faveur d’un développement humain et social.
A l’intersection de Notre engagement pour la lutte contre la sécheresse, la sauvegarde de la biodiversité et la préservation des écosystèmes, se trouve aussi Notre résolution à préserver et protéger la ressource essentielle à la vie : l’eau.
Le « Plan National de l’Eau » que Nous avons mis en place, sert l’objectif d’assurer la sécurité hydrique et les ressources nécessaires en eau, en quantité et en qualité. De son côté, le Nouveau Modèle de Développement que Nous avons impulsé, place la préservation et la promotion des ressources en eau, parmi les enjeux prioritaires d’un modèle de développement aussi ancré dans le présent que tourné vers l’avenir.
Et, parce que le secteur de l’eau est vital, le « Grand Prix Mondial Hassan II de l’Eau » est à la fois un lieu de prise de conscience globale et un espace prestigieux d’émulation où rivalisent des solutions innovantes, durables et intégrées pour porter la cause de l’eau.
Monsieur le Président,
Excellences, Mesdames et Messieurs,
Le combat contre la désertification et la dégradation des terres est véritablement une lutte existentielle, qui se pose à tous, et à l’Afrique, avec une acuité singulière. Ce combat ne doit s’achopper ni à l’absence de capacités technologiques, ni au défaut de ressources économiques, ni – encore moins – à un manque de volonté politique.
Réduire les vulnérabilités à la sécheresse ; construire des capacités de gestion durable des terres ; faire converger les efforts régionaux et internationaux ; permettre le déploiement de solutions spécifiques et maîtriser le stress hydrique – tels doivent être les fronts du combat que nous menons à la désertification ; un combat de tous, et de tous les instants ».