Christophe Boutin: « Le Maroc de Mohammed VI a porté une attention toute particulière à la question des droits de l’homme »
Christophe Boutin, directeur du Centre d’études sur la théorie et la régulation de l’Etat et professeur agrégé de droit public à l’université de Caen, a relevé que le projet de résolution américain visant à étendre les prérogatives de la Minurso au contrôle des droits de l’homme au Sahara a omis de reconnaître que « le Maroc de Mohammed VI a porté, dès son arrivée au pouvoir, une attention toute particulière à la question des droits de l’homme ».
"C’est dire que le royaume marocain se dote au plus haut niveau d’instruments de protection des droits fondamentaux. Le CNDH est une instance reconnue par les associations de protection des droits onusiennes, et on notera qu’une de ses commissions régionales est compétente pour le Sahara", a précisé le Pr Boutin, ajoutant que "la mise en pratique sur le terrain des engagements de protection des droits pris devant diverses instances est bien évidemment une nécessité".
Mais pour Christophe Boutin, "Il est évident aussi que lorsqu’il s’agit de protéger la sécurité des citoyens et de maintenir l’ordre public dans une région sous tension, avec des risques terroristes majeurs et des voisins appliqués à souffler sur les braises, la tâche est des plus délicates".
Selon ce juriste, " Il serait contre-productif de faire porter une suspicion systématique à l’égard d’un État aussi clairement engagé dans une démarche positive".
Interrogé les raisons de l’initiative américaine, Christophe Boutin a estimé que "le nouveau titulaire du Département d’État, "voulant peut-être marquer son territoire à peu de frais, aurait sans doute gagné à relativiser l’influence de certains lobbies".
Sur la question de trouver une solution urgente au conflit du Sahara, Le Pr Boutin a souligné que la France "prend en compte, bien mieux que les USA, les risques géostratégiques majeurs de déstabilisation de la région sahélienne, comme le prouve son actuelle intervention au Mali", notant qu’au Conseil de sécurité, la France "doit savoir si elle entend continuer de s’affirmer comme une puissance souveraine indépendante ou si elle doit passer au second plan".
Une mobilisation sans précédent a été enregistrée au Maroc contre ce projet de résolution américain, considéré comme une atteinte à la souveraineté du Maroc et à son intégrité territoriale. La question du Sahara étant la première cause nationale au royaume.
Pour le directeur de l’Observatoire des Etudes Géostratégiques, Charles Saint-Prot, cette initiative américaine risque de "tuer le processus" de négociations pour trouver une solution à cette question qui bloque l’intégration maghrébine, ajoutant que "le Maroc est chez lui" et qu’il est "dans son droit de refuser toute inférence" dans la gestion de ses affaires intérieures.
Une source diplomatique française avait qualifié de "calcul de politique intérieure" le projet de résolution américain. "C’est une erreur et une provocation", avait regretté cette source. L’Espagne, également, par la voix de son ministre des Affaires étrangères a également fait part de son mécontentement;
Le chef de la diplomatie espagnole avait affirmé que l’Espagne attend "une nouvelle proposition de résolution américaine" pour le renouvellement du mandat de la mission de l’ONU au Sahara, qui "pourrait obtenir un consensus" des membres du Groupe des amis du Sahara.
Le quotidien à grand tirage "El Pais" avait rapporté, samedi soir sur son site, que l’Espagne considère "non viable" la proposition des Etats-Unis visant à élargir le mandat de la Minurso à la surveillance des droits de l’homme au Sahara.
L’ambassadeur des Etats-Unis au Maroc, Samuel Kaplan, a admis que la proposition d’élargir les compétences de la Minurso a provoqué la consternation et la colère au Maroc et a généré une tension entre les deux pays, mais s’est dit confiant quant à la qualité des rapports bilatéraux et leur capacité à surmonter les différends.
La nature des relations entre deux pays alliés, comme le Maroc et les Etats-Unis, fait qu’elles peuvent connaitre des désaccords mais sans remettre en question leur solidité, a-t-il dit.
Même aux Etats-Unis, ce projet de résolution n’a pas fait l’unanimité. De hauts responsables américains ont fait savoir au président Barak Obama leur opposition et ont critiqué le fait que le Département d’Etat s’est laissé influencer par des officines œuvrant contre le Maroc.