Député Karim Ben Cheikh : l’évolution de la position de la France sur le Sahara permet à la France d’assumer les conséquences de son rôle dans le tracé des frontières
Le député français de la 9e circonscription (Maghreb et Afrique de l’Ouest) à l’Assemblée nationale, M. Karim Ben Cheikh, estime que la visite d’Etat d’Emmanuel Macron au Maroc du 28 au 30 octobre acte le réchauffement des relations bilatérales entre Rabat et Paris et l’évolution de la position de la France sur le Sahara marocain va lui permettre d’assumer les conséquences de son rôle dans le tracé des frontières.
La visite d’Etat d’Emmanuel Macron au Maroc intervient 3 ans après une grave crise entre les deux pays. Est-ce une nouvelle page qui s’ouvre entre Rabat et Paris notamment avec l’évolution historique de la position de la France sur le Sahara marocain ?
Karim Ben Cheikh: Cette visite d’Etat acte le réchauffement de nos relations bilatérales après trois années de tensions diplomatiques. Le 30 juillet dernier, le Président de la République a apporté un soutien appuyé au plan d’autonomie marocain pour le Sahara en le qualifiant de seule base pour une solution politique durable pour résoudre le conflit sous l’égide des Nations Unies.
Cette expression directe du Président de la République, préfigurée par notre diplomatie, était attendue. En tous cas je l’attendais particulièrement ayant défendu et plaidé pour que nous mettions fin aux tergiversations en adoptant une position de soutien, en fidélité à notre engagement de longue date pour le plan d’autonomie proposé par le Maroc en 2007.
Pour vous, cette évolution est donc naturelle ?
Cette prise de position a apporté de la clarté à la politique de la France vis-à-vis du Maroc. Cet élément a, je crois, permis de libérer une nouvelle dynamique dans nos relations et conforter tous les acteurs, sociétés civiles, entrepreneurs, diplomates.
Pour le Maroc, ce réengagement de la France à ses côtés a une valeur parce que la France est un pays membre permanent du Conseil de Sécurité. En droit international, seul le conseil de Sécurité a le pouvoir de valider une solution pour la rendre opposable. La France rappelle ainsi aux Nations-Unies que le système multilatéral doit avancer vers un règlement de ce conflit avec une solution politique durable ayant pour base le plan d’autonomie marocain sous souveraineté marocaine.
Au-delà, cette position permet à la France d’assumer son passé colonial au Maghreb et la conséquence sur le tracé des frontières. Historiquement notre pays a joué un rôle pour retarder la décolonisation de ce territoire, par exemple en 1957, en appuyant l’armée franquiste.
En soldant ce passé, et après avoir écarté les incongruités dont ses gouvernements ont fait preuve notamment lors de la crise des visas, le président Macron se met dans la position de faire prendre un nouveau départ à la relation franco-marocaine, tant sur le plan économique, culturel que géopolitique. J’espère qu’il démontrera de la constance et de l’attention dans cette opportunité.
Il est question d’un partenariat rénové entre la France et la France. Pouvez-vous nous préciser cette nouvelle ambition ?
La France et le Maroc sont deux acteurs globaux qui peuvent faire beaucoup ensemble lorsqu’ils avancent en synergie. Nos relations se transforment pour tenir compte d’un rééquilibrage nécessaire dont la France prend conscience. Aujourd’hui je suis convaincu que nous avons besoin d’un partenariat multidimensionnel. Ce partenariat doit intégrer, outre les questions économiques et diplomatiques, des questions importantes telles que les mobilités, l’éducation, la couverture sociale ou la culture.
À l’heure actuelle, la France est un partenaire de coopération dont l’engagement est très fort au travers notamment de l’Agence Française de Développement qui est présente en soutien de nombreux projets stratégiques. Mais les entreprises françaises souhaitent et peuvent faire plus, notamment dans les secteurs des énergies renouvelables, dans l’hydrogène vert, dans le transport ferroviaire. Autant de collaborations qui peuvent créer de la valeur et de l’emploi au Maroc comme en France. Pour les sociétés civiles et nos diasporas présentes dans l’un et l’autre pays, il est important de donner de nouveaux cadres aux enjeux de mobilité, d’éducation et de culture.
La crise des visas a mis la France en porte-à-faux avec des sociétés civiles francophones et francophiles. C’était une erreur et je l’ai dit dès le départ. Il faut mettre à plat ces sujets pour avancer dans le sens d’une plus grande mobilité.
Le Maroc a des relations privilégiées avec nombre de pays africains. Comment voyez-vous une coopération triangulaire gagnant-gagnant ?
Le Maroc a beaucoup développé ses liens économiques et humains avec les autres pays africains ces vingt dernières années. Sa situation géographique et son niveau de développement peuvent constituer un point d’appui financier, technique, logistique et industriel encore plus fort pour les pays de l’Afrique de l’Ouest et du Golfe de Guinée, vers l’Europe
Dans un paysage international incertain, l’axe franco-marocain peut porter, avec d’autres partenaires du continent, des propositions exemplaires et novatrices sur les enjeux de développement économique en Afrique en répondant aux enjeux de développement humain et de risques climatiques. Je parle de développement dans sa dimension durable qui représente d’immenses défis pour le continent africain sur les questions d’alimentation, d’énergie, de protection de la biodiversité, de transport et sur la transformation industrielle porteuse de plus de création de valeur sur le continent. C’est à ce niveau d’ambition que nous devons travailler.
Les pays du continent africain sont en demande de partenariat. Des partenaires français et marocains peuvent trouver des synergies et des complémentarités avec les acteurs locaux. Dans un contexte de forte concurrence internationale, cette complémentarité est un avantage.
Les projets dans les énergies renouvelables, l’hydrogène vert, l’agriculture ou le transport durable sont particulièrement importants pour le développement du continent.