Algérie: des artistes chantent en ligne pour la libération des prisonniers du « Hirak »

« On ne s’arrêtera pas! On ne se taira pas! ». Lors d’un émouvant concert en ligne, des artistes algériens, la plupart issus de la diaspora, ont manifesté samedi leur soutien aux prisonniers du « Hirak », le mouvement populaire antirégime, et dénoncé les atteintes à la liberté d’expression en Algérie.

« Je chante pour les détenus, pour (Karim) Tabbou, (Khaled) Drareni et tous les autres. J’espère qu’on vous reverra libres très bientôt », a lancé le rockeur gnawi Cheikh Sidi Bémol, en hommage à deux figures emblématiques de la contestation, debout devant son micro, guitare électrique en main.

Sous le nom de « Songs of Freedom » (Chants de liberté), ce concert virtuel était organisé par Free Algeria, une coordination de collectifs de la diaspora disséminés en France, aux Etats-Unis, en Suisse, en Belgique, en Italie ou en Autriche.

La compilation de vidéos amateurs a été diffusée « live » dans la soirée sur YouTube et plusieurs pages Facebook, à quelques heures de l’Aïd El-Fitr, la fête qui marque la fin du mois de jeûne musulman du ramadan.

Pendant près de deux heures, plus d’une vingtaine d’artistes se sont succédé en ligne, adressant des messages de solidarité aux militants, activistes, journalistes et internautes emprisonnés.

Selon le dernier comptage du Comité national pour la libération des détenus (CNLD), une association de soutien aux prisonniers, « près de 50 détenus d’opinion et politiques sont toujours dans les geôles du pouvoir ».

 « Ambassadeurs de la paix »

Parmi les artistes les plus connus, confinés chez eux, Cheikh Sidi Bémol, le groupe algéro-québecois Labess ou encore la chanteuse de rock progressif Amel Zen.

Membre du collectif Debout l’Algérie et de Free Algeria, Faïza Menai, une des organisatrices interrogée par l’AFP, a salué le courage des artistes qui ont contribué depuis l’Algérie malgré le climat de répression.

En arabe, amazigh (berbère), français ou espagnol, les morceaux rock, folk ou châabi étaient des appels au changement, dans la tradition de la chanson engagée, portant aussi des notes d’espoir.

Sur les « lives » Youtube et Facebook, le public virtuel était composé d’internautes qui échangeaient et réagissaient aux interventions des chanteurs.

« Le Hirak va reprendre, il est plus fort que le système. Nos artistes sont les ambassadeurs de la paix », a assuré Fatiha sur la discussion YouTube.

« Le Hirak est une idée et une idée ne peut pas mourir. Liberté à tous les détenus, nos otages! », a répondu Tarek, un autre internaute.

Les organisateurs ont recueilli, outre le soutien des artistes, celui de plusieurs médias comme Radio Corona Internationale, Wesh Derna, Berbère TV et L’Avant-Garde, « site d’information des luttes progressistes » récemment censuré en Algérie.

 « Deux virus: corona et répression »

En dépit de l’arrêt forcé des manifestations du « Hirak » depuis la mi-mars, à cause de l’épidémie de Covid-19, la répression continue de s’abattre sur des opposants politiques, des journalistes, des médias indépendants et des internautes.

Quinze militants ont été condamnés cette semaine à des peines de prison ferme, dont trois pour leurs publications sur les réseaux sociaux.

« Je participe en solidarité avec les détenus. Il faut les libérer! Ce n’est pas normal de continuer à réprimer les libertés », a déclaré Amel Zen à l’AFP.

« Nous avons deux virus: le corona et la répression ».

Selon le groupe Labess, « la liberté d’expression et le respect des droits de l’Homme sont en danger en Algérie ».

« Les médias sont muselés, des jeunes sont arrêtés pour de simples publications sur les réseaux sociaux. Nous devons les soutenir, montrer qu’ils sont toujours dans nos pensées », a-t-il écrit sur sa page Facebook.

Né en février 2019 d’un immense ras-le-bol des Algériens, le « Hirak » réclame un changement du « système » en place depuis l’indépendance du pays en 1962. En vain, jusqu’à présent, même s’il a obtenu en avril 2019 le départ du président Abdelaziz Bouteflika après 20 ans de règne.

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