À Moscou, la nébuleuse pro-Assad donne de la voix

IL Y A UNE semaine, ils étaient déjà plusieurs dizaines rassemblés devant le consulat de France à Moscou, déployant des drapeaux aux couleurs syriennes et russes. Leurs slogans fustigeaient les choix du président français : « Hollande cède aux États-Unis et a perdu sa légitimité ». « Aujourd’hui, 10 000 citoyens russes vivent en Syrie et si l’Occident attaque la Syrie, ce sera une agression contre notre propre peuple », affirme Alexandre Ionov qui, à la tête du Mouvement antiglobalisation de Russie, défend le régime de Damas, « menacé par l’impérialisme américain ».

Voici plusieurs mois que les lobbys pro-Assad manifestent en continu, apportant de l’eau au moulin du Kremlin. Depuis que se profile le spectre d’une intervention militaire occidentale en Syrie, ils sont devenus omniprésents, à tel point que, dans le débat, seule leur voix est audible. Ils forment une nébuleuse idéologique, alliant orthodoxie et patriotisme, unie autour du régime damascène qui a pris valeur de symbole. Ce dernier fait à leurs yeux figure d’ultime rempart contre la menace d’une « guerre de civilisation » aux couleurs du djihad, qui risquerait par ricochet d’anéantir la Russie.

En cas d’intervention militaire, plusieurs de ces mouvements professent l’avènement d’un scénario vietnamien, au pire une troisième guerre mondiale. Des universitaires réputés en viennent à perdre le sens de la mesure. Ancien haut responsable au ministère de la Défense et président de l’Académie des problèmes géopolitiques, Leonid Ivachov pointe l’émergence d’une coalition militaire franco-américaine, « un mixte de libéralisme perverti, d’homosexualisme et de fascisme ». « L’Amérique se comporte comme Hitler dans les années 1930, tout comme ses alliés, la France et le Royaume-Uni qui avaient soutenu le leader nazi », ajoute l’expert, dont les analyses tournent en boucle à la télé publique.

Ancien militaire soviétique, qui servit à Damas et à Homs au début des années 1980, et spécialiste de la collecte des missiles, Valéry Anisimov, a organisé il y a près d’un an le premier congrès des vétérans de Syrie, association qu’il préside et qui compte 1 500 membres. « Nous sommes même capables d’en réunir 18 000 », affirme cet ancien officier. Son association fait cause commune avec l’Union nationale des étudiants syriens, organisation financée par le régime. « Nos 8 000 adhérents ont toujours considéré la Russie comme leur deuxième maison », affirme son président, Ibrahim Naovaf.

Le fait que la France, qui a chassé les terroristes islamistes du Mali, se joigne aux États-Unis suscite autant d’étonnement que de colère. « Nous ne comprenons pas Hollande, surtout après ce qui se passe en Libye à la suite de Sarkozy », explique Alexandre Ionov, le responsable antimondialisation, qui voit surtout dans l’initiative élyséenne un moyen de détourner l’attention de la polémique sur le mariage gay. Autant dire que le crédit de sympathie dont bénéficie la France en Russie est aujourd’hui entamé.

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