Viols sur mineurs en Centrafrique: scandale aux effets potentiellement dévastateurs pour l’armée française
L’armée française, habituée aux interventions en Afrique, fait face à un scandale aux effets potentiellement dévastateurs à la suite d’accusations d’enfants, selon lesquels des soldats les ont violés lors de l’opération Sangaris en 2014 en Centrafrique.
« Si certains militaires se sont mal comportés, je serai implacable », a réagi jeudi le président François Hollande.
A Bangui, le procureur de la République, Ghislain Grésenguet a d’ailleurs regretté n’avoir pas été informé de l’affaire et de l’ouverture d’enquêtes : "Des ONG et des organes de l’ONU sont descendus sur le terrain sans nous informer, nous n’avons pas compris pourquoi", a-t-il dit, précisant avoir "immédiatement" ouvert une enquête.
"Si les faits sont avérés, c’est une affaire extrêmement grave. Ce n’est pas parce qu’on est dans un pays en crise qu’on bafoue le droit", a-t-il ajouté.
C’est en juillet 2014 que le ministère français de la Défense reçoit un rapport accablant, établi par des personnels du Haut-commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU positionnés en Centrafrique, où l’armée française s’est déployée dans le cadre de l’opération Sangaris, destinée à empêcher une guerre civile: une dizaine d’enfants – le plus jeune a huit ans – affirment qu’en échange de nourriture ou sous la menace, des soldats français ont abusé d’eux sexuellement.
Ces témoignages "retracent des faits qui auraient été commis sur une dizaine d’enfants, sur le site de l’aéroport de M’Poko (à Bangui), entre décembre 2013 et juin 2014", a précisé mercredi le ministère de la Défense, assurant avoir "pris toutes les mesures nécessaires pour permettre la manifestation de la vérité".
« Double crime »
Conscient de la gravité des accusations et de leur portée, le ministère a affirmé que "si les faits étaient avérés, il veillera à ce que les sanctions les plus fermes soient prononcées à l’égard des responsables de ce qui serait une atteinte intolérable aux valeurs du soldat".
Jeudi, il a souligné, par la voix de son porte-parole Pierre Bayle, qu’il "vérifiait la réalité" des accusations et assuré n’avoir "aucune volonté de cacher quoi que ce soit (…) L’indulgence zéro veut bien dire que ce genre de fait n’est pas couvert. On n’est pas en train de cacher les faits, on est en train de vérifier les faits".
"Vous savez la confiance que je porte aux armées, le rôle que les militaires français jouent dans le monde (…) Aucune tache ne doit écorner leur uniforme", a de son côté ajouté le président Hollande.
Le ministère de la Défense a précisé avoir saisi, dès qu’il a été alerté par le rapport onusien, le Parquet de Paris qui a ouvert une enquête préliminaire encore en cours. Des membres de la gendarmerie prévôtale, composée de militaires disposant de prérogatives judiciaires et placés sous le contrôle du procureur de Paris, sont partis en août 2014 en Centrafrique pour y commencer leur enquête.
Ces accusations ont été révélées mercredi par le quotidien britannique The Guardian, à qui la codirectrice de l’ONG américaine Aids-Free World, Paula Donovan, a communiqué le rapport.
Le document rassemble les témoignages de six enfants âgés de 8 à 15 ans, jugés très crédibles, et implique une quinzaine de soldats français qui auraient échangé de la nourriture, et parfois de petites sommes d’argent, contre des faveurs sexuelles.
"Les enfants ont témoigné qu’ils avaient faim et qu’ils pensaient pouvoir se procurer de la nourriture auprès des soldats", a expliqué à l’AFP Mme Donovan. La réponse des soldats était "si tu fais ça, alors je te donnerai à manger.
Certains disent avoir été violés, d’autres abusés et d’autres assurent avoir assisté au viol de leurs camarades. Certains ont été capables de donner de leurs agresseurs présumés une description précise, d’autres des surnoms, ce qui devrait permettre de les identifier.
Interrogée jeudi matin, la secrétaire d’État française en charge de la Famille, Laurence Rossignol, a estimé qu’il s’agissait, s’ils étaient avérés, de "faits extrêmement graves". Ceux qui sont là pour protéger, notamment les femmes et les enfants, "seraient eux-mêmes des prédateurs. D’un certain point de vue c’est un double crime".
Le cadre suédois des Nations Unies qui a transmis à Paris le rapport, intitulé "Abus sexuels sur des enfants par les forces armées internationales", l’a fait en réaction à ce qu’il a considéré être l’inaction de l’ONU dans ce dossier. Depuis, Anders Kompass a été suspendu de ses fonctions et fait l’objet d’une enquête interne.