Tribune- Plus que jamais, un fonctionnement démocratique du CFCM s’impose
Réformer le Conseil Français du Culte Musulman pour démocratiser son fonctionnement et abolir le système de cooptation, c’était le souhait de son président Mohammed Moussaoui. Un voeu qui s’est confronté à l’opposition frontale du recteur de la Mosquée de Paris Chams-eddine Hafiz, qui a mobilisé trois fédérations réfractaires, comme lui, au changement afin de s’assurer leur survie sans pour autant peser sur la gestion de l’islam en France. Tribune de Mohammed Moussaoui:
L’Assemblée Générale Extraordinaire du CFCM, réunie à Bagnolet le 4 juillet 2021, a été marquée par la plus importante participation depuis la création du CFCM (86 sur 87 membres). Cette participation est le signe d’un regain d’intérêt pour le CFCM qui se trouve de fait dans un tournant de son existence.
Les fédérations bénéficiaires du système de cooptation qui leur donne la possibilité de garder une majorité confortable quelle que soit l’issue des élections sont venues en renfort et ont usé de tous les moyens de pression possibles pour le conserver. Ces mêmes fédérations, démissionnaires du bureau du CFCM, avaient créé une coordination pour « réfléchir sur la mise en place d’une nouvelle instance représentative débarrassée de toute élection ». Un document adressé par cette même coordination, la veille de l’AGE, aux membres du CFCM, montre clairement cette intention.
Pour rappel, selon ce système de cooptation, des fédérations dites historiques ont le pouvoir de coopter la moitié des membres de l’Assemblée générale du CFCM et de verrouiller la composition de celle-ci. L’autre moitié, élue par les régions, se trouve sans aucun moyen de faire évoluer le CFCM de l’intérieur. En effet, avec ses 30 cooptés, la coordination des quatre fédérations est assurée de pouvoir bloquer toute réforme du CFCM, même si ces fédérations n’obtiennent aucun élu.
Le projet des statuts soumis par le bureau du CFCM à l’assemblée générale avait pour objet de mettre fin à ce système antidémocratique et de donner le pouvoir aux acteurs du terrain via la création des Conseils Départementaux du Culte Musulman. Les représentants de ces derniers choisis par les mosquées de leur département auront la légitimité de mettre en place les instances régionales et nationales du CFCM.
Dans cette nouvelle organisation, les élus seront choisis en fonction de leur probité morale, de leur compétence et de leur disponibilité. Elle mettra fin aux critères qui font références aux origines et aux affiliations et effacera les frontières et barrières partisanes créées entre les musulmans de France.
Les femmes et les hommes élus auront à cœur de donner à l’islam toute sa place dans le paysage cultuel de notre pays. Ils lutteront contre l’extrémisme qui dévoie notre religion et l’instrumentalise à des fins contraires aux principes de la République que nous partageons et défendons avec nos concitoyens.
Ces nouvelles instances doivent être débarrassées des enjeux de pouvoir qui les minent de l’intérieur pour les recentrer sur leur vocation unique, celle d’organiser le culte musulman, de défendre ses intérêts et de participer aux côtés des autres cultes et courants de pensée pour le renforcement des liens de fraternité et d’entraide entre tous nos concitoyens.
Sans surprise, la coordination des quatre fédérations (FNGMP, RMF, MF, FFAIACA), qui avait appelé au rejet de la modification des statuts, l’a obtenu grâce à ses 30 cooptés avec une courte majorité de 45 voix contre 41 voix.
Sans ces cooptés, le projet de modification des statuts aurait été adopté à une très large majorité.
Comment accepter dans une démocratie comme la notre qu’une association représentant le deuxième culte de notre pays puisse être régie par un tel système synonyme de l’arbitraire et de l’aberration ?
Pour justifier son attachement à ce système de cooptation antidémocratique et sa volonté de le généraliser à toutes les instances régionales et nationales du CFCM, la coordination affirme que « les élections ont créé de fortes tensions entre les différentes composantes du culte musulman en France ». Selon elle, ces élections « auraient transformé les lieux de culte en centres de convoitise et le théâtre de concurrences entre les fédérations à tous les niveaux ». Une telle justification pourraient laisser entendre que les musulmans de France seraient foncièrement antidémocratiques ou inaptes à l’exercice démocratique. Ils manqueraient de maturité pour pouvoir accepter la pluralité et s’accepter mutuellement.
Je crains qu’une telle affirmation, à la limite de l’insulte, ne renforce des préjugés inacceptables sur les musulmans de France. Ces derniers, citoyens du pays des droits de l’Homme, ne sont pas antidémocratiques. Ils savent débattre dans le respect des règles de bienséance et accepter les résultats d’un vote qui départage une divergence de points de vue dans la paix et la sérénité.
Face à l’impossibilité de réformer le CFCM de l’intérieur à cause d’un système inique et antidémocratique, les musulmans de France sont dans leur droit de se détourner définitivement du CFCM et songer à une nouvelle organisation de leur culte, plus respectueuse de leur aspiration et de leur intelligence.