Retraites en France : jeudi noir en vue pour pousser Macron à lâcher la réforme

Dans une large coalition, syndicats, partis d’opposition et "gilets jaunes" appellent à faire grève et à manifester le 5 décembre contre la réforme des retraites qu’Emmanuel Macron est déterminé à "conduire à bien", une mobilisation qui s’annonce suivie dans les transports et fait resurgir le spectre de 1995.

L’exécutif joue gros dans un contexte social tendu avec une accumulation de mobilisations: des urgences puis des hôpitaux, des étudiants, des policiers, des sapeurs-pompiers, des enseignants, des agriculteurs… et la poursuite du mouvement des "gilets jaunes".

Signe de fébrilité avant le bras de fer? L’exécutif a enchaîné les réunions cette semaine: déjeuner à l’Elysée et réunion de la majorité mardi, rendez-vous de "calage" annoncée vendredi et dimanche séminaire de l’ensemble des ministres à Matignon.

Mais "détermination" et "concertation" restent les maîtres-mots, même si le flou persiste autour du futur système "universel" par points qui va unifier les 42 régimes actuels et faire disparaître les régimes spéciaux, comme ceux de la SNCF, de la RATP ou encore de la Banque de France… Les questions concernent notamment un éventuel âge pivot, une "clause du grand-père" ou la prise en compte de la pénibilité.

"Je porte un projet d’ambition pour notre pays et je n’y renoncerai pas", a ainsi affirmé il y a quelques jours le chef de l’Etat, qui semble avoir laissé Edouard Philippe en première ligne sur ce dossier.

Le Premier ministre, qui s’est dit mercredi "ouvert au dialogue" mais "plus déterminé que jamais", va annoncer le projet "dans sa globalité" après la concertation, qui s’achèvera "le 9 ou 10 décembre". Pour une présentation au Parlement début 2020.

En attendant, "tout est réuni pour avoir un 5 (décembre) puissant", prédit Fabrice Angei, haut dirigeant de la CGT.

"Il y aura des occupations d’entreprises, d’usines, plus de 150 manifestations partout en France. Ce sera plus fort que la loi travail 2016 et que 95", prédit-il, en référence à la crise sociale d’il y a 24 ans face à un projet de réforme du système de Sécurité sociale et de retraite.

La date choisie coïncide avec une forte mobilisation organisée le même jour en 1995, au milieu d’un mouvement historique, et qui avait poussé Alain Juppé, alors Premier ministre, à faire des concessions sur les retraites.

"Ni politiquement ni socialement et ni syndicalement, les situations ne sont vraiment comparables", relativise Michel Pigenet, professeur émérite d’histoire contemporaine (Paris I). Mais il voit des ressemblances, dont "la profondeur du mécontentement social. Encore que celui d’aujourd’hui est probablement plus fort".

Pour les trois-quarts des Français, ce sera "un mouvement de grande ampleur", selon un sondage Elabe pour BFMTV.

– "Deux lièvres à la fois" –

L’initiative d’une grève reconductible est venue de syndicats de la RATP, après une grève le 13 septembre qui a quasi paralysé la capitale et ses environs pour protester contre le projet "de régression sociale" du gouvernement.

SNCF, Air France, EDF, poids lourds, raffineries, enseignants, étudiants, policiers, éboueurs… les appels se sont multipliés, gonflés par les centrales CGT, FO, FSU, Solidaires – à l’exception notable de la CFDT-, des organisations lycéennes Fidl, MNL, UNL et étudiante Unef.

Fait rare, les cadres de la CFE-CGC vont manifester et la CFTC a laissé ses syndicats "libres" de rallier.

Les "gilets jaunes", d’habitude plutôt frileux envers les syndicats, appellent à une "convergence". Côté politique, PS, PCF, LFI vont participer. De même que le Rassemblement national, dont la CGT ne veut pas dans ses cortèges.

Le projet de système "universel" est une promesse de campagne de 2017, à un moment où le système était à l’équilibre.

La donne a changé: le Conseil d’orientation des retraites (COR) prévoit désormais un déficit, entre 7,9 milliards et 17,2 milliards en 2025, incitant l’exécutif à réfléchir à des mesures d’économies avant cette date, en plus de la réforme du système, ce qui brouille son message.

Favorable à un système "universel", "plus juste" et "plus lisible", la CFDT demande au chef de l’Etat de ne pas courir "deux lièvres à la fois", en voulant s’attaquer parallèlement à la question financière "qui n’est pas urgente" selon la centrale.

Le secrétaire général du premier syndicat français, Laurent Berger, ne veut donc pas entendre parler de mesures "paramétriques" (niveau des pensions, durée de travail, cotisations).

A l’inverse du président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, qui réclame d’abord une "mesure d’équilibre" financier.

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