Qui veut la peau de Numéricable ?
A la fin du mois de mai, cinq opérateurs télécoms (1) à destination des entreprises ont saisi Bruxelles et lancé une alerte afin de sensibiliser la Commission européenne sur les futurs dangers que représenterait le rachat de SFR par Numéricable. Les opérateurs seraient inquiets de l’importance qu’aura le futur géant des télécoms sur le marché des entreprises. Depuis la décision de Vivendi de vendre sa filiale SFR à Numéricable, ce dernier ne cesse de s’attirer les foudres d’une concurrence tremblant face aux conséquences d’une telle opération.
Tout d’abord, on pourrait croire qu’il suffisait à Vivendi de prendre sa décision pour que l’affaire se déroule sans encombres mais non. L’Autorité de la concurrence a apparemment envie de faire durer, pour ne pas dire traîner, les choses. Son directeur, Bruno Lassere, a indiqué dans Le Figaro (2) il y a quelques mois, que la période d’enquête relative à l’étude du dossier s’étalera sur neuf mois. Une période anormalement longue qui n’a certainement rien à voir avec la préférence à peine cachée d’Arnaud Montebourg et du gouvernement pour le candidat Bouygues (3). Le temps de cette grossesse nerveuse, c’est le temps où Patrick Drahi aurait pu notamment honorer son engagement de ne licencier personne sur une période de 36 mois (4). A terme, qui sait ce que ces mois d’inertie auront comme effet sur ce projet de reprise pourtant prometteur?
Le rapprochement Numéricable-SFR n’est pas non plus vu d’un très bon œil du côté de chez Free et Orange. Si depuis le mois dernier, on murmure que Free souhaiterait mettre la main sur Bouygues pour 5 milliards d’euros, l’armée de Xavier Niel ainsi que celle d’Orange, auraient également l’intention de contrer le grand ensemble que formera Numéricable-SFR dans le déploiement du très haut débit en France. Le 20 et 21 mai dernier, Stéphane Richard, PDG d’Orange et Maxime Lombardini, directeur général d’Iliad, maison mère de Free, ont déclaré lors d’auditions au Sénat (5) que ce mariage annoncé va pousser les deux opérateurs concurrents à investir massivement dans les zones denses déjà câblées et renforcer la compétition sur ces territoires. Le Plan Très Haut Débit, qui prévoit de fournir tous les foyers français d’ici 2022, serait alors gravement menacé et le raccordement des milieux ruraux délaissé. Des propos alarmistes bien loin de la réalité.
Numéricable est pour le moment numéro un sur la fibre et le câble en France et a plus fait pour le haut débit en France que n’importe quel acteur du secteur. Le rachat de SFR donnera naissance à « un champion du haut débit en France » (6). Avec 9,9 millions de foyers éligibles au câble ou à la fibre et 5,2 millions de foyers fibrés d’un côté pour Numéricable et 1,6 millions de foyers fibrés pour SFR avec 57.000 km de réseau fibre, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le Plan très Haut Débit ne pourra être qu’avantagé par cette fusion prochaine.
Puisque la capacité de couverture ne peut être discutée, les détracteurs du câblo-opérateur s’évertuent à remettre en question la qualité de cette dernière. En gros et sans rentrer dans trop de détails techniques obscurs, le réseau utilisé par Numéricable (FTTLA) serait moins efficace que celui utilisé par les autres opérateurs (FTTH). Seulement une étude de l’Arcep (7) contredit ces dires. Le nombre de pannes relevées sur les réseaux Numéricable est inférieur à celui de SFR et d’Orange. De plus, les délais de réparations et de raccordements sont raccourcis sur les premiers, une seule partie du réseau étant câblée en fibre optique. Résultat : gain de temps et d’argent qui permet à Numéricable de promettre pas moins de 8,5 millions de foyers raccordés en 2016.
En prenant le contrôle de SFR, Numéricable s’expose. Fausses informations, stratégies… une sorte de coalition s’est formée afin de nuire au futur géant français des télécoms, peu importe la manière, le bain de la trempette est prêt. Un jour c’est Free qui envisagerait la reprise de Bouygues, le lendemain c’est Orange (8) qui pourrait se lier à la société de Martin Bouygues. Du rebondissement en veux-tu en voilà qui nous ferait presque oublier que dans cette saga, le principal chanceux reste le consommateur. Cette fusacq donne effectivement lieu à une parade de paons où chacun exhibe ses qualités, ses forces et cherche à surpasser son voisin. Le marché des télécommunications se retrouve ainsi stimulé par une concurrence qui profite aux usagers. Baisse des coûts, amélioration des services, les abonnés sont chouchoutés. Avec un dénouement prévu normalement pour l’année prochaine, le feuilleton Numéricable – SFR a encore le temps de nous réserver quelques surprises, la meilleure restant un happy end.
(1) http://extranet.numericable.fr/press/release/20140602/art001.pdf
(2) http://www.lefigaro.fr/medias/2014/03/08/20004-20140308ARTFIG00031-concurrence-l-examen-du-dossier-sfr-prendra-probablement-neuf-mois.php
(3) http://www.francetvinfo.fr/economie/telecom/rachat-de-sfr/video-rachat-de-sfr-montebourg-penche-pour-bouygues_549465.html
(4) http://www.leparisien.fr/economie/rachat-de-sfr-numericable-promet-zero-licenciement-pendant-36-mois-26-03-2014-3711171.php
(5) http://extranet.numericable.fr/press/release/20140602/art015.pdf
(6) http://www.boursier.com/actions/actualites/news/numericable-veut-creer-avec-sfr-le-champion-francais-du-tres-haut-debit-et-de-la-convergence-fixe-mobile-570968.html
(7) http://www.arcep.fr/fileadmin/uploads/tx_gspublication/synth-bilan-qs-fixe-t1-2013.pdf
(8) http://extranet.numericable.fr/press/release/20140602/art015.pdf