D’ailleurs à ce stade, le message du Roi livre une flamboyante lecture des rapports de force entre les deux continents imbriqués dans leur interdépendance qui en dit long sur à la fois le réalisme et l’ambition du souverain : « La solidarité entre l’Europe et l’Afrique n’est ni un concept vide, ni un lien fondé sur une philanthropie univoque ; elle relève d’une responsabilité et d’une dépendance réciproques. La logique d’assistanat verticale peut à présent céder le pas à un véritable partenariat transversal ». C’est tout l’enjeu d’un tel sommet dont le Maroc, de par sa géographie, son histoire et son implication politique, est tout à fait légitime à jouer le rôle fondateur d’une nouvelle approche de développement entre les deux entités.
Le sommet UE/UA s’est tenu alors que la crise migratoire qui constitue le cauchemar sécuritaire absolu de leurs relations a connu une dangereuse accélération. La Libye, terrain de jeux et d’influence de tous les groupes armés de la région, super marché à ciel ouvert de tous les radicalismes, vient d’ériger un énorme défi devant les africains et européens réunis à Abidjan en Côte d’ivoire.
L’affligeant retour de l’esclavage fut un choc qui a nécessité une prise de conscience généralisée. Dans ce contexte le message du Roi du Maroc fut la synthèse parfaite entre les inquiétudes légitimes des pays d’Europe et les angoisses des pays d’Afriques qui voient leurs jeunesses subir une dangereuse hémorragie. Mohammed VI eut ces mots réalistes pour décrire ce qu’est devenue la Libye « le corridor de tous les maux et cristallise tous les malheurs ». Et au Roi de déplorer publiquement les occasions ratées pour lutter efficacement contre ces déchéances « Nos groupements régionaux auraient pu être plus efficaces face à cette situation. Et l’on peut à juste titre penser que, si l’UMA avait réellement existé, nous serions plus forts face à ce défi. »
Mohammed VI affiche un regret teinté d’une grande amertume lorsqu’il constate les failles et les freins d’une telle ambition : « Or, hélas, l’UMA n’existe pas ! Et les flux migratoires, à la faveur de conflits régionaux, sont souvent la proie de réseaux de trafics divers, allant des stupéfiants aux filières terroristes. Mon pays, le Maroc, en fait les frais depuis longtemps, et aujourd’hui encore.
Ce regret publiquement affiché fut un message limpide aux responsabilités historiques de certains pays de la région comme l’Algérie qui, pendant des décennies, s’est figée dans une stratégie de défiance, d’empêchement et de sabotage de l’unité du Maghreb. D’ailleurs, un des clichés de ce sommet fut la poignée de main inattendue du Premier ministre algérien Ahmed Ouyahia au Roi Mohammed VI sous le regard souriant du président Français Emmanuel Macron. Une poignée de main, aussi révélatrice soit-elle, ne parviendra pas à effacer le torrent de boues déversé sur le Maroc par l’inénarrable ministre algérien des Affaires étrangères Abdelkader Messahel.
Contrairement aux obsessions des détracteurs des intérêts du Maroc, la participation de Mohammed VI à ce sommet, y compris avec la présence du Polisario, fut une occasion de démontrer la puissance du leadership marocain et sa capacité d’entraînement et de mobilisation. Ses rencontres remarquées avec les leaders de puissances africaines traditionnellement hostiles au Maroc, comme les présidents d’Afrique du Sud Jacob Zuma ou d’Angola João Lourenço, ouvrent la voie à de nouvelles performances diplomatiques marocaines. L’enjeu pour le Royaume de transformer en peau de chagrin le nombre de pays qui continuent à être bernés par la propagande séparatiste algérienne.
Le retour du Maroc dans la famille africaine fut triomphal. Mohammed VI a démontré dans ce sommet qu’il peut servir de pont, de passeur de savoir et d’intelligence entre deux continents aux destins imbriqués, et de ciment entre deux destinées en érigeant un sillage de stabilité dans un monde menacé par de lourdes secousses.