Mbarka Bouaida souhaite une plus grande implication des femmes des camps de Tindouf dans la consolidation de la paix

La ministre déléguée auprès du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, Mme Mbarka Bouaida, a présidé mercredi aux côtés de la ministre suédoise des Affaires étrangères, Mme Margot Wallström, une conférence internationale, en partenariat avec les Nations Unies portant, sur « Femmes, Paix et Sécurité ». Dans un entretien à Atlasinfo.fr, Mme Bouaida a souhaité l’implication des femmes sahraouies dans le règlement de la question du Sahara et évoqué la création d’un think thank régional dédié à l’étude du rôle de la femme dans le maintien de la paix et le développement durable.

Propos recueillis par Hasna Daoudi

Atlasinfo: Vous avez été à l’initiative de la conférence internationale "Femmes, Paix, Sécurité". Quelles sont les raisons qui ont été déterminants pour l’organisation de cette conférence au Maroc ?

Mme Bouaida: Le Maroc se positionne comme un pays reconnu pour sa stabilité et sa sécurité et aussi comme un pays modèle en matière de développement social et économique. C’est un pays qui a également fait évoluer la situation de la femme par le haut à travers la réforme notamment du code de la famille et de la nationalité, ainsi que de la parité et de l’égalité inscrites dans la Constitution.
Le Maroc est par ailleurs respecté pour ses positions par rapport à un certain nombre de conflits. Il a toujours affiché une neutralité positive et évité l’ingérence. Cela fait de nous un pays idoine pour abriter ce genre de conférence et une plateforme parfaite pour non seulement réussir ces discussions et ce dialogue mais aussi inspirer des solutions durables.

Vous avez confié que l’idée de cette conférence est née d’une discussion avec la ministre suédoise des Affaires étrangères, Margot Wallström, sur la question du Sahara . Pouvez-vous nous en dire plus ?

Le projet est effectivement né d’une discussion avec la ministre suédoise des Affaires étrangères Margot Wallstrom sur l’affaire du Sahara. La question nationale est une question de souveraineté et d’intégrité territoriale pour notre diplomatie et pour le peuple marocain. Le Maroc traite cette question avec beaucoup de doigté et d’intelligence. Nous avons choisi la voie politique pour résoudre ce conflit à travers un processus onusien en cours, associée à un développement socio-économique et une vraie intégration structurante de la région. Dans cette recherche d’une solution politique, il faut inclure les femmes. La question est comment ? Il y a les "mesures de confiance" des Nations Unies, mais ce n’est pas assez. Quand on voit le conflit de manière très synthétique, on voit le Maroc qui avance vraiment et sûrement dans la recherche d’une voie de sortie d’un conflit qui n’a que trop duré, et de l’autre côté il y a le Polisario, avec l’Algérie, qui bloque toute solution. Etant moi-même sahraouie, je me suis dit que les femmes qui sont dans les camps de Tindouf aimeraient faire la paix. Ce sont des mères et des femmes actives. Vu leurs conditions de vie inhumaines dans les camps, je pense qu’elles pourraient et aimeraient jouer un rôle pour la paix. Si on avait en face de nous des femmes, je suis certaine qu’on aurait trouvé des solutions.
Il faut savoir que dans les camps de Tindouf, il y a certes des gens originaires du Sahara, qui étaient partis volontairement ou au mieux qui étaient kidnappés. Mais le vrai peuplement des camps s’est fait vers la fin des années soixante-dix par des vrais kidnappings. Ils sont arrivés jusqu’à Tan Tan pour récupérer des gens sous la menace et les emmener de force dans les camps. La proportion de ceux qui sont partis d’eux-mêmes est beaucoup plus réduite, sans oublier les gens qui ont des problèmes avec la justice et ont rejoint les camps tout comme les contrebandiers et les trafiquants.

Le volet radicalisation-déradicalisation des femmes était au centre de votre conférence. Comment faire face à ce nouveau phénomène ?

Dans le domaine de la prévention des conflits, les femmes sont souvent les mieux placées, à la fois pour reconnaître les signes avant-coureurs d’une radicalisation dans leurs familles et communautés, et pour prendre des mesures visant à l’éviter. Mais on constate également qu’un nombre croissant de femmes et de filles, y compris de la région du Maghreb, voyagent vers des territoires contrôlés par des groupes extrémistes violents. Il faut donc absolument travailler sur la prévention pour préserver les femmes. Le phénomène relativement nouveau de la radicalisation des femmes se développe de plus en plus dans le monde. On se retrouve aujourd’hui avec des femmes terroristes prêtes à se faire exploser. Ces femmes ont parfois des profils assez étonnants qui nous obligent à nous poser sérieusement des questions. La ministre congolaise de la Promotion de la femme et de l’Intégration de la femme au développement, Mme Inès Bertille Neferingani, l’a bien dit. Le processus d’endoctrinement des femmes est un long processus parce que les femmes, par nature, donnent la vie, aiment la vie et pour les « convertir », il faut du temps. Ce phénomène est extrêmement inquiétant. Il est urgent d’en parler et d’essayer de trouver des solutions.

Les femmes sont victimes de violences sexuelles dans les zones de conflits. Que comptez-vous faire dans ce domaine ?

Il est urgent d’agir contre ces violences faites aux femmes. C’est extrêmement inquiétant. On a même vu des agents et des casques bleus commettre l’inimaginable. Mme l’ambassadeure de Grande Bretagne au Maroc a évoqué la formation de 17 000 Soldats à la lutte contre les violences sexuelles. Notre conférence est très utile pour réveiller les consciences face aux multiples abus dont sont victimes les femmes en zones de conflits.

Vous allez rédiger une feuille de route. Allez-vous la transmettre aux Nations Unies ?

Nous allons transmettre notre feuille de route au Secrétaire général de l’Onu et au Conseil de sécurité. Lors de nos trois panels sur le "rôle des femmes dans les processus de médiation" et de "prévention des conflits et en matière de déradicalisation", ainsi que sur "les enseignements tirés et les meilleures pratiques en matière de prévention de la violence sexuelle en temps de conflits", il y a eu des propositions concrètes sur l’inclusion et l’intégration des femmes dans les processus de médiation et sur une véritable présence féminine dans les instances de prise de décisions et dans les processus et opérations de maintien de la paix. Il y a seulement 3 % des femmes qui y participent. Il faut qu’elles soient présentes en amont et en aval lors des déclenchements des conflits et dans le processus post conflits. Si les femmes ont les moyens, elles présenteront des solutions beaucoup plus pertinentes que ce qu’on voit malheureusement aujourd’hui.

A l’issue de cette conférence, vous avez annoncé la création d’un think thank régional. Quelles en seront les attributions ?

Nous avons décidé la création d’un think tank intitulé "Femmes, Paix, Sécurité et Développement". Ce think tank indépendant, dont le siège serait au Maroc, servirait de réservoir à idées et de source d’influence, autonome. en faveur notamment du rôle et de la place des femmes dans les opérations de maintien et de la consolidation de la paix dans les zones de conflits. Nous devons également réfléchir à des solutions permettant de promouvoir la situation des femmes et d’en faire des acteurs de changement, qui guideront les générations futures pour la diffusion de la culture de la paix, de la la lutte contre les guerres et le trafic d’armes, la défense d’accès à la justice et la protection des droits des civils.

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