Marée humaine à Alger pour une « nouvelle Révolution »

L’absence de comptage officiel ou indépendant et la topographie rendait impossible le dénombrement des manifestants. Mais en ce 37e vendredi consécutif de manifestation, la mobilisation était similaire à celles constatées au plus fort du "Hirak", le mouvement de contestation inédit du régime dont l’Algérie est le théâtre depuis le 22 février.

Avant de commencer à se disperser sans incident en fin d’après-midi, l’énorme cortège a progressé très lentement durant plusieurs heures dans des rues noires de monde, autour de la Grande Poste, bâtiment emblématique du coeur d’Alger et devenu le lieu de rassemblement des manifestations hebdomadaires.

Les manifestants ont notamment scandé "l’Algérie veut son indépendance", "le Peuple veut son indépendance".

Le 1er novembre 1954, le Front de libération nationale (FLN) tout juste créé déclenchait la "Révolution algérienne" et la lutte armée pour l’indépendance, avec une série d’attentats simultanés sur le territoire algérien. Décrétée "Fête de la Révolution", la date est fériée en Algérie.

"Les aînés ont combattu la France, nous on combat le système mafieux qui a confisqué notre indépendance", a expliqué à l’AFP M’hand, retraité de 63 ans, parti à 05H00 du matin de Boumerdès, à une quarantaine de km à l’est d’Alger, pour rejoindre la capitale.

"#Hirak_du_1er_novembre", "#Envahissons_la_capitale": ces derniers jours sur les réseaux sociaux, ces nouveaux hashtags en arabe avaient appelé les Algériens à converger massivement vers la capitale.

Ils étaient nombreux à être venus d’autres régions, malgré les embouteillages dus aux nombreux points de contrôle de gendarmerie aux entrées d’Alger ou l’absence totale vendredi de trains vers la capitale.

Mobilisation sur les réseaux sociaux

Certains ont passé la nuit sur les trottoirs. Hocine, la vingtaine, et ses quatre amis venus de Lakhdaria, à une soixantaine de km de route, ont passé la nuit dans leur voiture.

"On a mis la France dehors en 1962, mais on n’a pas profité de la liberté avec ce régime qui n’a pas changé depuis. On veut une Algérie nouvelle", a dit le jeune homme.

Enseignante retraitée, Nadia Foufa, 62 ans, se souvient avoir défilé le 5 juillet 1962, lors de la proclamation de l’indépendance: "J’avais cinq ans et on était heureux de cette indépendance. Mais maintenant, nous sommes enchaînés et il n’y a aucune liberté".

Depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux, de nombreux "tracts numériques" appelaient à une mobilisation massive, dressant un parallèle entre les 1er novembre 1954 et 2019.

"Vous êtes tous concernés. Appel au peuple algérien pour qu’il se prépare à (…) prendre d’assaut la capitale par millions et en provenance de toutes les wilayas (préfectures) le vendredi 1er novembre, jusqu’à faire tomber tous les bandits" au pouvoir, proclame l’un d’eux.

"L’Histoire se répète. 1er novembre 1954-2019. Les 48 wilayas dans la capitale" pour une nouvelle "guerre de libération", peut-on lire sur un autre.

« Gaïd Salah, dégage ! Il n’y aura pas de vote cette année »

D’importantes manifestations se sont également déroulées dans de nombreuses villes du pays, selon des médias en ligne et les réseaux sociaux.

Depuis qu’il a obtenu, début avril, la démission du président Abdelaziz Bouteflika, le "Hirak", "mouvement" sans structure officielle ni dirigeant, ne faiblit pas et réclame désormais le démantèlement du "système" au pouvoir depuis 1962.

Les manifestants s’opposent fermement à la présidentielle que le pouvoir organise le 12 décembre pour élire un successeur à M. Bouteflika, considérant qu’elle ne vise qu’à régénérer ce "système".

Le pouvoir, qui estime avoir satisfait les revendications de la contestation avec le départ de M. Bouteflika et la mise sous les verrous de personnalités "corrompues", cherche à minimiser l’ampleur du mouvement.

Mercredi, le général Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major de l’armée et homme fort du pays depuis la démission de M. Bouteflika, a assuré que le scrutin recueillait l’"adhésion totale" des citoyens.

Une assertion contredite par les "Dégage Gaïd Salah! Il n’y aura pas de vote cette année!" qui ont résonné dans les rues, répondant en même temps à l’appel lancé jeudi aux Algériens, par le président par intérim Abdelkader Bensalah, à se rendre aux urnes massivement.

Outre la mobilisation monstre vendredi, de nombreux citoyens ont répondu à un défi sur internet, consistant à se filmer, seul ou en groupe, en disant: "Je suis un Algérien et je suis un élément du Hirak".

Une réponse ironique à de récents propos de M. Bensalah, affirmant au président russe Vladimir Poutine que l’ampleur du mouvement était "exagérée" et se limitait à "quelques éléments (qui) sortent dans la rue chaque semaine".

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